Le jeu

Dans Dominion, les joueurs vont tenter de créer leur royaume en achetant les cartes qui leur permettront de se développer. En faisant appel au Chancelier ou au Forgeron, en construisant Village ou Atelier, mais aussi en faisant appel des personnages moins fréquentables comme la Sorcière ou le Voleur, vous tenterez d’acquérir le plus de terres possibles. Saurez-vous déjouer les pièges de votre adversaire et construire le plus beau royaume ?

Comment ça marche

Au début de la partie, chaque joueur dispose d’un "deck" de 10 cartes : 7 Cuivre valant 1 pièce et 3 Domaine valant 1 point de victoire.

A son tour, un joueur peut jouer 1 carte Action qu’il a en main et en appliquer les effets. Si cette carte l’autorise à jouer une autre action, il peut jouer une autre carte Action, sinon, cette phase est terminée. Il peut ensuite effectuer 1 seul achat (sauf si les cartes Action jouées lui permettent d’en faire plus) en utilisant les pièces acquises lors de la phase Action et celles qu’il possède sur les cartes Trésor qu’il a en main. Avec cet achat, il peut acheter des cartes Trésor (pour faire de plus gros achats par la suite, des cartes Action ou des cartes Victoire (pour accumuler les points de victoire). Ensuite Il défausse toutes les cartes qu’il a utilisées ce tour-ci, celles qu’il a achetées et celles qu’il a encore en main et pioche 5 cartes dans son "deck". Lorsque son "deck" est épuisé, il mélange sa défausse (constituée des cartes déjà présentes précédemment + les cartes achetées depuis) pour reformer son "deck".

Lorsque 3 piles de cartes (Action, Victoire,...) sont épuisées ou que la pile de Province (valant 6 points de victoire) est épuisée, la partie est terminée, le joueur qui a acquis le plus de points de victoire est le vainqueur.

Critique

Comme on le voit dans ce résumé, les règles de Dominion sont simples, très simples. Trop simples ?

Je ne pense pas. Tout l’intérêt du jeu vient des fameuses cartes Action. On joue avec 10, mais la boite en contient 25, de quoi faire pas mal de parties différentes. Le jeu consiste donc d’abord à observer les cartes proposées pour cette partie et à essayer de définir une stratégie à partir de là. En fonction des cartes disponibles et des cartes Attaque en jeu, on va essayer de voir ce qui sera utile pour cette partie. Ensuite, il faut essayer d’acheter les bonnes cartes, en bonne quantité (ni trop, ni trop peu). Le but du jeu est bien évidemment d’acheter les cartes Victoire qui sont les seules à pouvoir vous faire gagner la partie. Mais ces cartes offrent une problématique : lorsque vous les piochez pendant la partie (ce qui arrive inévitablement, puisqu’elles font évidemment partie de votre deck), elles ne vous servent à rien. Mais elles sont indispensables pour la victoire. Tout l’art du jeu consiste donc à savoir comment les acheter et comment faire pour que votre rythme d’achat soit le plus constant possible, même lorsque ces cartes Victoire commencent à être nombreuses dans votre deck.

Evidemment, Dominion s’inspire directement des jeux de cartes à collectionner (JCC) type Magic, mais en apportant sa dose de nouveautés. Les joueurs partent tous de la même base de deck et ont tous les mêmes cartes à disposition. A eux de trouver les combinaisons qui seront les plus fortes dans ces conditions et à construire le deck le plus efficace possible. Mais, là où les JCC vous demande de construire un deck avant la partie et de le jouer, à Dominion, vous devez construire votre deck pendant la partie et essayer de faire que, même pendant sa construction, il soit efficace. Car, il ne sert souvent pas à grand chose d’avoir un deck très efficace quand il est "terminé", c’est souvent trop tard, il faut aussi qu’il soit efficace pendant sa phase de construction. Et c’est sur ce point que Dominion trouve son originalité, aussi bien du coté des JCC que du coté des jeux de société (à matériel fixé).

Cependant, malgré une certaine richesse intrinsèque, il faut aussi reconnaitre qu’il y a peu de stratégies viables (2-3), ce qui fait qu’après quelques parties (plusieurs dizaines quand même), on a un peu l’impression de tourner en rond. Cependant, il faut quand même faire attention au tirage de cartes : la présence de la cartes Jardins, une carte Victoire qui peut être présente à certaines parties peut changer la donne. De plus, certaines stratégies, très fortes lors de certaines parties, peuvent se révéler désastreuses face à d’autres cartes. L’adaptation sera donc toujours le maitre mot du bon joueur de Dominion. L’interaction est faible, ce qui n’aide pas toujours à chercher de nouvelles stratégies. Cependant, l’interaction n’est pas inexistante et il faut toujours observer ce que font les autres joueurs pour savoir quel rythme donner à sa partie. Il peut s’avérer intéressant de prendre un peu plus d’attaque que prévu si nos adversaires n’ont rien fait pour se défendre, ou, au contraire, arrêter d’attaquer si nos adversaires ont trouvé des parades efficaces, voire qui les arrange. De plus, il faut bien suivre l’avancée des adversaires dans la prise de points de victoire et quand un joueur en achète rapidement, il faut toujours se demander s’il vaut mieux le suivre ou bien s’il va "pourrir" son deck et qu’on le rattrapera en fin de partie.

De plus, le jeu se prête assez bien à la découverte. Face à une combinaison connue, il peut être intéressant de choisir une autre voie, qui sera peut être moins efficace mais qui peut s’avérer redoutable. La recherche de nouvelles stratégies est rarement efficace mais donne un coté assez amusant au jeu, participe à son renouvellement et peut nous surprendre plus qu’on ne le croyait.

Le hasard est évidemment présent, mais, en règle générale, si votre deck est bien construit, il tournera bien. Certes, il peut arriver que certaines pioches soient mauvaises où que certaines combinaisons de cartes simples ne viennent pas, mais cela ne durera pas toute la partie. Si c’est le cas, ce sera presque tout le temps votre construction de deck qui sera à blâmer, pas le hasard. Mais il donne une bonne excuse pour les défaites, même si elle sera souvent de mauvaise foi (mais pas toujours).

Evidemment, lorsqu’on découvre un jeu de cartes assez court et stratégique, il est inévitable de le comparer à Race for the galaxy, l’autre jeu de cartes stratégiques du moment. Dominion a pour lui une simplicité de règles très supérieure à Race for the galaxy, et donc une plus grande accessibilité. Avec l’expérience cependant, la plus grande complexité de Race for the galaxy lui confère un plus grand nombre de stratégies et une durée de vie bien supérieure à Dominion. Ce dernier reste quand même bon, et permet donc de changer d’air de temps en temps et de jouer avec des joueurs moins habitués.

Conseils tactiques et stratégiques

- Les scores à chaque partie sont très variables et vont dépendre des cartes présentes. On peut avoir des victoires aux alentours de 25 points et d’autres à plus de 50. Comme il y a proportionnellement moins de cartes victoire à 4 joueurs, les scores par joueurs y sont généralement moins élevés.
- Le plus important à Dominion, c’est votre stratégie. Il ne faut donc pas hésiter à acheter des cartes moins chères que l’argent que vous avez en main plutôt que d’acheter une carte qui correspond à ce que vous avez en main mais qui ne correspond pas du tout à votre stratégie.
- Dans le même ordre d’idée, il peut être préférable de ne rien acheter plutôt que d’acheter une carte inutile. Plus votre deck est gros, moins il tournera correctement. Si le Cuivre coûte "0", ce n’est pas pour rien : la plupart du temps, il ralentira votre jeu et il est donc préférable de s’en passer.
- Les decks plus petits sont évidemment plus efficaces. Cependant, les Jardins offrent une belle alternative à cela, puisqu’ils valent d’autant plus de points que le deck est gros. S’il y a des cartes offrant du "+achats", cette stratégie peut tout à fait être viable. Les petits decks ont aussi souvent l’inconvénient d’être plus vulnérable aux attaques. De plus, quand vous épurez votre deck, faites attention à ne pas vous retrouvez avec trop peu d’argent dans votre deck.
- Il est aussi important de faire "tourner" votre deck. Moins il vous faudra de tours de jeu pour avoir vu toutes les carte de votre deck, plus vite vous reverrez vos cartes fortes. Dans cette optique, les "piocheurs" (type Douves, Forgeron, Sorcière, Laboratoire) sont plutôt bons. Attention cependant aux piocheurs si vous ne disposez pas de +Action pour joueur les cartes Action que vous aurez piocher. Si vous avez peu de cartes Action dans votre deck, ils seront efficaces, sinon ils peuvent ralentir votre jeu. Le chancelier peut aussi être une très bonne carte pour accélérer la rotation de son deck.
- Les cartes Attaque peuvent être à double tranchant. Il n’est pas forcément utile d’investir dans une Sorcière si la Chapelle est présente, il peut être dangereux d’acheter une Milice si la Bibliothèque est disponible. Cependant, la Milice reste l’une des attaques les plus efficaces grâce à son +2 pièces qui vous aide en plus d’embêter les autres joueurs. Certaines cartes sont aussi à double tranchant, comme le Voleur. S’il peut embêter les autres, il faut bien voir qu’il peut aussi les aider, en leur faisant défausser des cartes inutiles, mais surtout, en leur retirant des Cuivre de leur deck ce qui est toujours une bonne chose quand on a acheté un peu d’Argent et d’Or. De plus, il peut ne rien vous apporter, ce qui est dommage. Il faut donc toujours mesurer le potentiel d’une attaque, en fonction des défenses présentes (les Douves protègent contre toutes les attaques, mais d’autres cartes protègent indirectement contre certaines attaques spécifiques) et de la manière dont les autres construisent leur deck.
- Quand des attaques sont présentes, pensez toujours à leur contre. Votre jeu doit être capable de supporter les attaques adverses, soit en contre-attaquant, soit en étant construit de manière à réduire leurs effets néfastes. Pester contre une attaque réussie quand on a rien fait pour se prémunir à l’avance contre elle ne sert pas à grand chose.

Public

Doté de règles très simples et avec une explication très courtes, même en passant en revue les 10 cartes Action présentes, Dominion peut plaire à un public très large et même des enfants de 7-8 ans prennent plaisir à y jouer. Les joueurs confirmés s’amuseront beaucoup à chercher les diverses stratégies du jeu, même s’ils verront peut être rapidement quelques limites, il offrira un bon divertissement.

Conclusion

Sorti quelques temps après Race for the galaxy et jouant sur un terrain proche, Dominion supporte assez mal la comparaison avec son ainé pour les fans de ce dernier. Cependant, tous ceux qui sont réfractaires à Race for the galaxy à cause de son iconographie et de son accessibilité plutôt difficile, seront heureux de trouver un jeu abordable et riche. Dominion offrant une mécanique très différente de Race for the galaxy, les fans de ce dernier pourront quand même y trouver un bon intérêt, même s’ils préféreront toujours Race au bout du compte.

Dominion offre donc une belle alternative dans le domaine du jeu de plateau, grâce à une mécanique fondamentalement originale, ce qui reste très rare de nos jours.