Le jeu

Les joueurs vont tenter de recruter divers personnages pour les intégrer dans leur pyramide du pouvoir. Militaire ou intrigant, magicien ou artisan, saurez-vous choisir les meilleurs et les intégrer à leur juste place dans votre pyramide ?

Comment ça marche

Viceroy est un jeu de cartes qui représentent principalement des personnages. La partie se joue en 12 tours divisés en 2 phases chacun :
- La phase d’Enchères durant laquelle les joueurs vont récupérer des cartes Personnage
- La phase de Développement durant laquelle les joueurs vont placer leurs cartes dans leur pyramide du pouvoir.

Le placement des cartes va permettre de récupérer des bonus (gemmes qui servent de monnaie dans jeu, divers pouvoirs, PV,...).

A la fin du 12° tour, les joueurs comptent leurs points. A la fois ceux gagnés pendant la partie, mais aussi des bonus pour la construction de leur pyramide, pour les cartes spéciales qu’ils ont joué, pour les jetons récupérés. Celui qui a le plus de points l’emporte.

Critique

Viceroy est un jeu assez atypique, sorti chez l’éditeur russe HobbyWorld, plutôt habitué aux localisations. L’éditeur n’avait rien sorti de notable auparavant et il s’agissait du premier jeu de son auteur, Yuri Zhuravljov. Pas étonnant que le jeu soit un peu passé inaperçu, même si FunForge a décidé de le localiser pour le marché francophone.

Les illustrations sont plutôt attrayantes même si très variées : plus de 20 illustrateurs ont participé à leurs conceptions. Elles sont bien mises en valeurs sur les cartes carrées tout en ne sacrifiant pas l’ergonomie. C’est plutôt une bonne chose.

Côté mécanique, c’est la phase d’enchères qui surprend en premier lieu. En effet, il ne s’agit pas à proprement parler d’une enchère. 4 cartes sont piochées et associées à l’une des 4 couleurs du jeu. Puis, simultanément, les joueurs indiquent quelle carte les intéresse en "misant" une (et une seule) gemme de la couleur correspondant au personnage désiré. Les joueurs qui sont les seuls sur une couleur récupère le personnage et ceux qui ont misé sur la même couleur recommencent (en changeant d’avis ou pas).
La mécanique est assez déroutante et oblige les joueurs à discuter en amont pour savoir qui est intéressé par quoi. En effet, chaque gemme misée est perdue et donc, miser pour ne rien récupérer coûte assez cher. Chacun essaye alors de repérer les cartes qui l’intéressent. Ces "négociations" sont en fait cruciales, même si ça ne ressort pas forcément de la lecture des règles. Se lancer à l’aveugle casse une grande partie de l’intérêt du jeu en rendant cette phase très aléatoire. Evidemment, si 2 joueurs se disent intéressé par la carte "verte", l’un des deux finira par céder pour "choisir" une autre carte. Du moins, pendant cette phase de négociations. Mais, lorsque chacun mettra sa gemme dans son poing, tout est permis, même de revenir sur ce qu’on a dit.
Lorsque l’on a compris l’intérêt du jeu, ces revirements deviendront rares car il est très cher de rentrer en "conflit" avec un joueur. Mais, pour certaines cartes vraiment importantes pour la stratégie du joueur, le jeu peut en valoir la chandelle. Les joueurs ont en effet 3 tours d’enchères pour récupérer leur carte. Si votre adversaire vous tient tête, il vous faudra donc 3 gemmes de la bonne couleur pour espérer l’emporter. Si les 2 joueurs tiennent jusqu’au bout, ils perdent leurs 3 gemmes mais en récupère 3 en compensation (il est aussi possible de récupérer 3 gemmes en "passant", sans dépenser aucune gemme). Ils n’auront cependant récupérer aucun personnage à ce tour.

La 2° phase est celle de la construction de la pyramide. Comme on peut le voir sur l’exemple ci-contre, il y a 4 gemmes et 4 effets proposés. Les premières cartes sont posées en bas de la pyramide, puis, s’il y a au moins 2 cartes adjacentes, il est possible de poser une carte sur ces 2 précédentes. Elle sera alors au 2° niveau. Si je pose la carte ci-contre au 1° niveau de ma pyramide, il m’en coûte 1 gemme rouge et je récupère 3 gemmes (des couleurs de mon choix). Si je la pose au 2° niveau (donc sur 2 cartes se trouvant déjà au premier niveau), ça me coûte 2 gemmes rouges (les 2 gemmes les plus basses) et je récupère 5 gemmes (l’effet du 2° niveau). Posée au 4° niveau, cette carte coûte 1 jaune, 1 verte et 2 rouge pour rapporter 10 points de victoire.
Les cartes posées au 5° niveau coûte 5 gemmes (les 4 indiqués + celle du 4° niveau) et rapporte au choix les 3 premiers bonus ou 15 PV.

Ce mécanisme offre de sérieux dilemmes : il faut bien choisir les cartes qui vont servir de base à votre pyramide et celles que vous jouerez plus haut. Cela dépend des effets, de votre stratégie, du timing de la partie,... C’est un choix difficile qui rappelle, dans une certaine mesure, celui de Race for the galaxy : je dois défausser certaines cartes utiles pour poser la carte qui m’intéresse. Mais lesquelles dois-je laisser tomber ? Là, le dilemme est un peu différent, car vous jouerez toutes les cartes. Mais quelles sont celles que vous utiliserez pour le bas de votre pyramide et celles que vous garderez pour le haut ?

Ce choix est rendu encore un peu plus difficile par la création des gemmes. Comme vous l’avez vu, les cartes possèdent des quarts ou des demi-cercles de couleur. Lorsque vous "empilez" les cartes pour former votre pyramide, vous "assemblez" ces "morceaux" de gemmes. S’ils sont de la même couleur, vous obtenez des bonus. L’agencement au sein de la pyramide est donc primordial. Le jeu dispose aussi de cartes Loi. Les joueurs commencent avec 3 de ces cartes en main. Elles donnent différents pouvoirs et peuvent rapporter des points. Comme les cartes Personnage, elles se placent dans la pyramide et leurs effets peuvent dépendre de leur position dans cette pyramide. Ces cartes peuvent donner une petite ligne stratégique et orienter les choix des joueurs en début de partie.

La version française omet la règle qui dit de récupérer une gemme lorsqu’on termine une gemme pure dans sa pyramide. Ca redonne un peu d’importance à ces gemmes pures, pas si facile à faire et ça donne un meilleur flux de gemmes.

Le système de "négociations" rend le jeu très tendu à 4, les discussions pouvant durer un peu si les joueurs n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente. A 3 joueurs, on perd un peu cette tension, mais le jeu reste intéressant dans cette configuration, laissant un peu plus de choix dans la construction. Les joueurs appréciant de monter leur pyramide avec moins d’interaction seront sûrement plus à l’aise dans cette configuration. Je n’ai jamais essayé à 2, la perte de tension devenant alors trop forte, je pense, pour maintenir un intérêt suffisant à mes yeux.

Viceroy est un jeu assez surprenant, qui ne se laisse pas facilement maîtriser. La phase de négociations dans un jeu de cartes est fort déroutante. Son côté indispensable, pour éviter le côté totalement chaotique des mises à l’aveugle, pourra en rebuter plus d’un. Mais c’est aussi ce qui fait son charme, son originalité, car ça oblige à penser et repenser ses plans en permanence, en ajoutant une petite dose de bluff dans un genre qui n’utilise pas souvent ce ressort ludique. Il m’est déjà arrivé de faire croire que je voulais absolument une carte, mon adversaire misant alors une épée (jeton joker permettant de s’assurer de gagner l’enchère mais qui fait des points à la fin), moi-même révélant une main vide (ou allant chercher une autre carte). La mine déconfite de l’adversaire est alors assez jouissive et très rare dans ce type de jeu.
La construction de la pyramide apporte de vrais dilemmes et même si, dans le fond, elle peut se rapprocher d’une construction de "tableau" classique, elle offre suffisamment d’originalité pour donner une vraie place à Viceroy dans le genre du jeu de cartes à tableau.

Au niveau ergonomique, la plupart des jetons autre que les gemmes, sont différents sur leur verso et leur recto. Pour les épées et les boucliers qui ont des fonctions bien distinctes, ce n’est pas trop gênant. Pour les autres types de jeton, la confusion est plus forte, surtout sur les jetons PV qui ont des valeurs différentes en fonction de leur face. En général, on retrouve de quelle manière ils ont été généré et on peut donc "corriger", mais ce n’est pas très pratique quand même. Pour les gemmes, un petit symbole en plus de la couleur aurait été pratique pour les daltoniens.

Public

Les règles de Viceroy restent relativement simple et la structure du tour de jeu aussi. On reste cependant sur du jeu de cartes à effets, un genre loin d’être évident pour les joueurs non habitués. L’originalité de la mécanique d’acquisition des cartes pourra aussi rebuter certains habitués du genre. Les effets des cartes restant relativement simple et pas trop combinatoire, il peut cependant être une idée pour les gens voulant découvrir ce genre de jeux sans aller sur des titres plus exigeants à cause d’effets plus nombreux et plus combinatoire (genre Res Arcana dans les titres récents).

Conclusion

Viceroy est un peu passé inaperçu à sa sortie, malgré ses illustrations et la traduction pour le marché francophone. C’est un peu dommage, car il apporte des idées intéressantes dans le genre et offre de vrais choix cornéliens tout au long de la partie. Si la phase de négociations est assez surprenante au début, elle donne une ambiance rare autour de la table pour ce genre de jeu, et c’est plutôt bien vu. Les nombreux moyens de scorer lui confèrent une bonne durée de vie.