Le jeu

De l’Antiquité à nos jours, vous allez devoir mener votre civilisation vers le succès : reconnaissance scientifique, construction de merveilles, guerre, toutes les options sont possibles pour que votre civilisation soit la plus reconnue. Mais quels chemins suivrez-vous donc pour l’emporter ?

Comment ça marche

Through the ages est avant tout un jeu de cartes. Chaque joueur possède son plateau personnel, autour duquel il va rajouter des cartes qui vont lui offrir différentes options.

A chaque tour, un joueur peut réaliser un certain nombre d’actions civiles et militaires, dépendant principalement de son type de gouvernement (les joueurs commencent despotes).

Les actions civiles permettent d’enrôler des hommes (ce qui coûtent de la nourriture), de construire des bâtiments (il faut en connaitre la technologie et dépenser des pierres), prendre des cartes (qui représentent toutes sortes d’options), poser un leader (la partie est divisé en 3 grands âges, chaque joueur ne peut avoir qu’un leader par âge) qui donne des bonus, découvrir une technologie (ce qui coûte des points de science) qui offre de nouvelles options, construire une merveille ou changer de gouvernement.

Plateau d'un joueur apr ?s quelques tours de d ?veloppement

Les actions militaires permettent d’enrôler des unités militaires, de mettre en place des armées ou de piocher des cartes politiques. Ces dernières s’utilisent au début des tours pour provoquer des événements ou encore attaquer un adversaire.

A la fin de son tour, un joueur produit des ressources grâce à ses fermes et ses mines et gagne éventuellement des points de science et de culture.

A la fin des 3 âges, le joueur qui a cumulé le plus de points de culture remporte la partie.

Critique

Cette critique est basée sur une précédente édition du jeu. La dernière édition, commercialisée en France par Iello, présente quelques différences avec la version critiquée ici.

Présenté comme un "Civilisation - Le jeu de cartes" lors de sa sortie, Through the ages remplit parfaitement son contrat : nous faire développer une civilisation sur 3000 ans, sans plateau et en 4 heures. Si l’absence de plateau peut surprendre pour un jeu de ce type, il faut bien avouer que ça marche très bien : pas de gestion géographique du développement, ce qui permet de gagner de nombreuses heures de jeu, des combats constamment possibles entre tous les protagonistes ce qui donne une interaction constante et pas le sentiment de se retrouver seul à coté du gros guerrier. Si un joueur s’arme à Through the ages, il peut attaquer tout le monde et chacun doit donc se défendre, ce qui rend cet aspect bien plus intéressant.

Pour le reste, on retrouve de nombreux "classiques" du jeu de civilisation : merveilles, leaders, progression à travers les âges. Ici, les joueurs ont 5 aspects principaux à développer : nourriture (pour avoir des hommes à faire bosser), pierre (pour construire bâtiment et unités militaires), science (pour pouvoir poser de nouvelles technologies offrant de plus en plus d’options), culture (pour gagner) et armées pour attaquer ou se défendre. Il est évident qu’un joueur ne peut pas développer tout cela de manière homogène et qu’il faut faire des choix. De plus, ces choix sont conditionnés par l’ordre d’arrivée des cartes. Comme chaque carte n’est pas présente en suffisamment d’exemplaires pour être joué par tous les joueurs, il est impossible de reproduire un schéma stratégique à chaque partie. Il faut constamment s’adapter en fonction de l’ordre d’arrivée des cartes, de celles qu’on réussit à prendre et des choix adverses. Tout cela fait que les parties ne se ressemblent pas.

Cependant, lorsque l’on a passé l’écueil de la longueur de la règle, Through the ages n’est pas un jeu foncièrement compliqué. Les actions à réaliser sont assez logiques et le jeu n’est pas spécialement "technique" : on cherche constamment à augmenter sa production selon certains axes (ressources, science, PV, armées) et donc à développer les technologies qui vont nous servir tout en essayant de ne pas être trop dépendant de telle ou telle carte. Comme tous les jeux de cartes, il est évident qu’une bonne expérience du jeu aide bien : on connait alors les différentes cartes, leur rythme d’arrivée, leur impact sur le jeu et les combinaisons fortes. Car, comme dans tous jeux de cartes, il existe des combinaisons entre certaines cartes. Il est important de savoir que les "library", par exemple, sont assez centrales et sont au cœur de 2 merveilles de fin de partie. De même, connaitre les leaders et leurs pouvoirs est assez important. Le problème est que, si pour un jeu comme Race for the galaxy, on peut facilement enchainer les parties pour connaitre les cartes, c’est beaucoup plus dur pour un jeu de 3-4 heures. Quand, comme moi, on a la chance de fréquenter des joueurs mordus, ça se fait assez bien, mais ce ne sera malheureusement pas le cas pour tout le monde.

Mais Through the ages comble en partie cette lacune grâce au plaisir simple que l’on prend à faire évoluer sa civilisation, à la voir grandir et se développer. Comment développer les différents aspects, comment remonter son revenu de science quand il est à la traine ? Comment gérer toutes ces technologies qui arrivent avec un revenu aussi faible ? Avec quel rythme construire les merveilles ? Comment ne pas se retrouver complètement larguer alors que notre revenu de PV reste faible ? Tous ces paramètres rendent le jeu passionnant à jouer même quand on le découvre et comble en partie la méconnaissance des cartes. Certes, dans ces conditions, il peut être préférable de jouer sans les agressions, car se faire détruire plusieurs bâtiments qu’on a mis tant de temps à construire peut être particulièrement énervant quand on découvre le jeu et comme les premières parties se déroulant souvent sans agressions, ce n’est pas vraiment gênant.

L’aspect guerrier de Through the ages est l’une des autres bonnes idées du jeu. S’affranchissant de la contrainte géographique des jeux à plateau, Through the ages permet à n’importe quel joueur d’attaquer n’importe quel autre ce qui donne une saveur particulière aux combats. On est à l’abri de personne, ce qui oblige les joueurs à maitriser leurs forces militaires. On peut alors prendre les devants, s’armer militairement, devenir une menace même sans attaquer ou au contraire ne pas chercher à se développer et ne s’armer que lorsqu’un joueur devient trop dangereux. Les attaques peuvent être très gênantes, il ne faut donc pas prendre trop de retard sur ce point. Plus la partie avance, plus les attaques peuvent devenir meurtrières. Cependant, les joueurs attaqués peuvent se défendre avec de simples cartes, ce qui limite un peu la portée des attaques (et évite que le jeu ne soit que militaire). L’autre option pour s’armer est celle de préparer une armée mais de la construire très vite pour surprendre les autres. Cela est plus facile avec les cartes Tactics qui offrent des bonus si on a enrôlé certains types d’unité. Lorsque la partie avance, il devient possible de déclarer des guerres. Plus difficiles et plus dangereuses que les agressions, elles peuvent rapporter beaucoup plus. Contrairement aux agressions, elles se déclarent un tour avant d’être résolue, ce qui laisse un tour à l’agressé pour réagir. Et s’il devient plus fort que l’agresseur, c’est lui qui remporte la guerre. Il existe donc toujours un risque a déclaré une guerre, sauf quand l’avance militaire est forte (d’où l’intérêt de ne pas se faire trop larguer). Et, comme le résultat d’une guerre est proportionnel à la différence de force militaire entre les deux armées, il vaut mieux éviter d’être vraiment à la traine si on ne veut pas être la cible privilégiée des attaques.

Cependant, la force militaire permet d’autres options, car on ne pioche pas toujours les cartes permettant de lancer des attaques. Cette force peut servir à coloniser ou à avoir des avantages sur certains événements. Ces deux composantes sont liées au système d’événements, l’une des très bonnes idées du jeu. Au début de la partie, on compose une série de 4 à 6 événements en fonction du nombre de joueurs. Ces événements sont positifs ou neutres pour tous les joueurs. Ensuite, au début de son tour, chaque joueur a la possibilité de mettre en jeu un événement. Cela rapporte quelques points et se fait à la place de lancer une agression. Cet événement est posé sur la pile des événements futurs et révèle le premier événement des événements actuels. Les effets de cet événement sont appliqués immédiatement. Lorsque 4 à 6 événements auront été joués, la pile initiale d’événements sera épuisée et la pile d’événements futurs est mélangée et devient la pile des événements actuels qui seront dévoilés lorsque des joueurs mettront en jeu de nouveaux événements.
Donc, plus un joueur joue d’événements, plus il sait ce qui se passera dans l’avenir et peut anticiper sur ce qui va arriver. Comme beaucoup de ces événements avantagent le plus fort joueur militaire et/ou gênent les joueurs les moins forts militairement, ils restent important d’être devant militairement. Évidemment, il y a beaucoup d’autres types d’événements, qui jouent sur de nombreux compartiments du jeu.

Les territoires à coloniser qui se jouent comme des événements, sont donc colonisés plus tard, lorsqu’ils sont révélés. Les joueurs misent alors de la force militaire pour coloniser le territoire révéler. Hors bonus, le joueurs qui remporte la colonisation doit démobiliser des unités pour prendre le contrôle du territoire et gagner les bonus associés, ce qui le rend plus vulnérable aux attaques adverses. Un mécanisme assez subtil qui oblige a toujours faire attention.

En âge III, tous les événements sont des Impact of qui donnent des bonus en fin de partie. Cela s’applique à tous les joueurs et rapportent des points de culture en fonction du développement des joueurs (sur des points précis). Il est toujours intéressant de piocher ces cartes car, si elles vous intéressent, vous pouvez les mettre en jeu pour marquer de gros points et, si elles ne vous intéressent pas, vous pouvez les garder pour éviter qu’elles soient jouées. Le meilleur moyen de gagner des points reste donc d’être bien développé dans la plupart des domaines pour gagner des points quels que soient les Impact of joués. Il faut donc rester attentif lorsqu’un joueur joue une telle carte, il est probable qu’elle l’avantage et, en regardant son développement, vous pouvez savoir ce qui risque de rapporter des points supplémentaires en fin de partie. Il reste cependant très frustrant, lors du décompte final, de voir qu’un joueur a eu tous les Impact of qui correspondaient à son jeu alors qu’on en a vu aucun.

Through the ages a aussi l’avantage de se jouer de 2 à 4 joueurs, en restant intéressant quel que soit le nombre de joueurs. Le jeu reste plus intéressant à 4, car de nombreux événements frappent les deux joueurs les plus forts militairement ou les 2 joueurs les plus faibles, ce qui est plus intéressant quand on est 4. De plus, dans cette configuration, il faut faire le bon choix quand on attaque un adversaire et de nombreuses stratégies s’affrontent. L’inconvénient, c’est que si 1 ou 2 joueurs sont lents, les tours peuvent durer et la durée de la partie dépasser 4 heures. Cependant, les parties à 2 et 3 joueurs restent intéressantes, avec un "défilement" des cartes plus rapides, ce qui demande un peu d’adaptation. A 2 joueurs, le jeu peut être assez violent, et les erreurs pardonnent moins. Lorsque les deux joueurs connaissent le jeu, les parties sont assez rapides (moins de 2 heures) et très tendues. Trois joueurs est donc un compromis entre ces deux configurations, avec l’inconvénient des cartes événement frappant les 2 civilisations les plus faibles : lorsque vous êtes juste derrière le plus fort et très loin devant le plus faible, c’est très frustrant de se prendre les effets négatifs.

Comme on le voit, Through the ages est donc un jeu de cartes : aussi bien pour celles qui arrivent, que pour les événements ou les attaques. Le hasard inhérent à ce mécanisme peut être gênant et énervant mais laisse pas mal de possibilités de contrôle, malgré tout, aux joueurs. De plus, il permet un renouvellement indispensable à un jeu, qui sans ça, ne serait pas assez "technique" pour se renouveler. Les joueurs doivent donc constamment s’adapter au tirage des cartes pour choisir leur développement. Cet ensemble permet un renouvellement parfait avec des parties toujours différentes. Cependant, il est évident qu’une bonne connaissance des cartes apporte un plus indéniable en terme de plaisir de jeu et d’élaboration de stratégie. Cela ne peut se faire qu’après plusieurs parties, ce qui n’est jamais évident pour un jeu aussi long et exigeant. Tout ça reste contre balancé par tous les choix offerts constamment aux joueurs au cours de la partie qui donnent un grand plaisir de jouer et de se développer même en découvrant les cartes au fur et à mesure.

Les versions "allégées" du jeu ne sont pas très intéressantes. Le jeu a clairement été développé pour être joué sur 3 âges et il est souvent frustrant de jouer sur moins. Les stratégies sont très différentes, car les points gagnés en début de partie sont beaucoup plus importants. La partie en 1 âge est très violente et surtout intéressante pour découvrir les règles, les parties sont assez rapides. La partie en 2 âges s’arrêtent un peu prématurément mais permet de réduire la partie d’une bonne heure. Malgré tout, quand on sortira Through the ages, ce sera principalement pour y jouer en version complète et ainsi profiter de tout le potentiel du jeu.

Conseils tactiques et stratégiques


- Les scores peuvent être très variables d’une partie à l’autre, mais il faut souvent compter sur environ 250 points pour gagner.
- La majorité des points se gagnent en Âge III, il n’est donc pas forcément utile de booster son score trop rapidement. Les premiers points sont vite rattrapés à la fin grâce à certaines merveilles ou leaders et cela focalise l’attention agressive de vos adversaires sur vous.
- En début de partie, (âge A), il y a 6 leaders : 3 militaires et 3 civils. Lors de vos premières parties, privilégié les civils qui offrent plus de possibilités que les militaires qui restent plus spécialisés. Aristote est très fort pour booster sa science sans développer les technologies adéquates et permet donc de se concentrer sur autre chose. Hammurabi donne un bon boost dès le départ, mais attention si les autres jouent rapidement militaire (cependant, c’est une option rarement très forte donc rarement choisie). Enfin, Moïse est très spécialisé et permet de sortir rapidement beaucoup d’hommes. Il nécessite donc d’investir dans les Happy faces pour ne pas avoir trop de problèmes de mécontentement. Dans les leaders militaires, Homère me semble un peu supérieur.
- En début de partie, n’hésitez pas à prendre des cartes jaunes (même dès votre sélection initiale), elles peuvent rapidement vous faire économiser de précieuses ressources.
- En début de partie, essayez d’avoir toujours un homme libre, plusieurs événements permettent de construire gratuitement si on a un homme libre.
- Très souvent, votre premier tour consistera à construire une mine et à sortir un homme. Avec les actions restantes, vous pourrez poser un leader, prendre des cartes.
- Les merveilles antiques sont assez rentables, vu qu’elles servent toute la partie. Cependant, les 6 pierres qu’elles coûtent vous ralentissent forcément, mesurez donc bien le gain qu’elles vous donnent.
- Les Library sont des technologies centrales du jeu, qui sont souvent bonifier par des leaders et 2 des 4 merveilles d’âge 4, essayez d’investir dessus.
- Les technologies de fermes et de mines sont indispensable, vous devez en avoir au moins une de chaque en âge I ou II. N’hésitez pas à les prendre, même pour 3 actions civiles.
- Essayez de rester le moins longtemps possible sans leader : ils donnent beaucoup d’avantages pour un coût en action limité.
- Surveillez toujours le développement adverse pour ne pas laisser d’opportunités trop intéressantes et ne pas vous retrouver largué militairement.
- Evitez de prendre trop d’avance en points si vous ne pouvez pas suivre militairement : vous seriez rapidement la cible de la plupart des attaques.
- Essayez de monter conjointement vos productions : celles de pierre, de nourriture, de science et de points de culture.
- Lorsque vous piochez des cartes tactiques, essayez de prendre rapidement les cartes Technologie qui permettraient de les utiliser.
- 2 des 4 merveilles d’âge III (Premier vol dans l’espace et Chaine de fast-food) rapportent énormément de points quelle que soit votre stratégie : évitez de les laisser aux autres joueurs pour peu d’actions civiles.
- Les cartes technologie bleues sont souvent très utiles : un peu chère en science, elles ne coûtent plus rien après et leurs effets sont permanents. N’oubliez pas que les cartes bleues d’un type remplacent celles du même type plus anciennes.

Public

Plusieurs heures de jeu, de nombreuses pages de règles, des choix constants à faire, clairement Through the ages s’adresse à un public de passionnés prêt à passer des heures sur un jeu. Avec un joueur expérimenté maitrisant le jeu, il est un bon moyen, pour les amateurs de jeu exigeant mais plus court, de découvrir ce type de jeux, vu que le plaisir est là dès la première partie.

Conclusion

Retracer une histoire du monde et des civilisations au travers d’un jeu de cartes en moins de 4 heures, voilà un défi que l’auteur tchèque Vlaada Chvatil a parfaitement réussi. Grâce à des idées originales, il a su s’affranchir des phases de jeu qui étendent la durée de ses prédécesseurs tout en gardant ce qui en fait le plaisir du jeu. Si la parfaite connaissance des cartes est indispensable pour profiter pleinement du jeu, l’auteur a su créer une mécanique prenante, permettant de prendre du plaisir dès les premières parties, ce qui n’était pas évident. Cependant, il faut bien reconnaitre que Through the ages n’est pas exempt de défauts : la durée parfois longue des parties, surtout à 4 quand on ne maitrise pas bien les mécanismes, le hasard parfois bien énervant et quand même très présent pour un jeu de cette durée et des mécanismes pas très innovants font que Through the ages ne peut pas décrocher la note maximale. Mais, tous ces défauts, qui auraient plombé n’importe quel autre jeu, sont parfaitement contre-balancé par un plaisir de jeu toujours présent grâce à la variété des parties et à la richesse des choix constants qu’il faut faire. Si passer 3 à 4 heures autour d’une table (voire un peu plus les premières fois) ne vous effraie pas, vous devez absolument essayer Through the ages.