Le jeu
L’Ouest américain est en pleine expansion. Le bétail est central pour nourrir la population. Dans les grandes plaines, vous allez élever vos troupeaux, développer les petites villes et commercer avec les indiens. Mais, attention, le chemin jusqu’à Kansas City et ses convois de trains pour acheminer le bétail jusqu’aux grandes villes de l’Est, est semé d’embûches. Serez-vous le cow-boy le plus rapide de l’Ouest pour vendre vos vaches et développer votre business ?
Comment ça marche
La structure du tour de jeu dans une partie de Great Western est assez simple : (A) vous déplacez votre cow-boy sur le plateau de 1 à N cases (N dépendant principalement du nombre de joueurs), (B) vous réalisez l’action de la case sur laquelle vous vous êtes arrêté et, (C) si nécessaire, vous recomplétez votre main à 4 cartes. Et c’est tout.
Entrons dans les détails
(A) Sur le plateau serpente un chemin avec quelques embranchements et des cases pour bâtiments. Lorsque vous déplacez votre cow-boy, vous ne comptez que les cases occupées par des bâtiments. Au début, tout se passe plutôt bien, mais plus la partie avance, plus les bâtiments jalonnent le chemin et plus votre progression est ralentie. Surtout que certains bâtiments adverses vous obligent à payer pour passer.
(B) C’est évidemment le cœur du jeu. Il existe 3 possibilités :
1- Vous vous êtes arrêté sur une case Danger, Indien ou sur un bâtiment adverse. Vous pouvez alors réaliser une « action secondaire ». Elles sont au nombre de 6, mais en début de partie, seules 2 sont réalisables (piocher une carte puis défausser une carte et gagner 1 dollar). Au fur et à mesure de la partie, vous pourrez rendre disponible de nouvelles actions secondaires pour augmenter vos possibilités stratégiques (épurer votre deck,...).
2- Vous vous êtes arrêté sur un bâtiment neutre ou un bâtiment de votre couleur. Dans ce cas, vous pouvez réaliser l’action du bâtiment. Au début de la partie, il n’y a que des bâtiments neutres sur le plateau. Ils permettent d’enrôler du personnel ou d’utiliser ce personnel pour faire des actions. Les cow-boys permettent d’acheter des vaches de meilleure qualité. Au début de la partie, vous disposez d’un « deck » de 14 cartes Vache (5 cartes de valeur 1 (toute de la même couleur) et 9 cartes de valeur 2 (de 3 couleurs différentes)). Avec les cow-boy, vous pouvez acheter des vaches de valeur 3 (3 couleurs), 4 (1 couleur) et 5 (1 couleur). Le coût de ces vaches dépendra de votre nombre de cow-boy. Les maçons vont vous permettre de construire des bâtiments, qui vous donneront de nouvelles options de jeu et, éventuellement, obligeront les autres joueurs qui passeront par là à vous payer un péage. Plus vous aurez de maçons, plus vous pourrez construire des bâtiments puissants. Pour finir, nous avons les ingénieurs qui permettent de faire progresser votre locomotive sur le chemin de fer. La position de votre locomotive indique dans quelles villes vous pouvez livrer vos vaches sans payer de frais de transport. De plus, lors de sa progression, votre locomotive peut vous permettre de débloquer des petits bonus ou de gagner des points.
3- Votre cow-boy est arrivé à Kansas City, il DOIT s’y arrêter pour y vendre son cheptel. Après avoir ajouté quelques ouvriers sur le marché du travail, des dangers sur le plateau et/ou des indiens, vous allez révéler votre main de cartes. Seules les vaches de couleur différente sont prises en compte. Leurs valeurs indiquent la somme d’argent que vous touchez. Plus cette valeur est élevée, plus vous allez pouvoir vendre loin. Et plus vous livrez loin, plus vous gagnerez de points lors du décompte final.
La partie s’arrête lorsqu’un certain nombre d’ouvriers ont été mis en jeu. Les joueurs gagnent des points pour les vaches qu’ils ont acheté, les bâtiments qu’ils ont construit, les gares qu’ils ont développé en faisant progresser leur locomotive, les objectifs qu’ils ont rempli et deux, trois autres points moins importants. Le vainqueur est bien évidemment le joueur qui a le plus de points.
Critique
Great Western était le deuxième « gros » jeu de Alexander Pfister, après Mombasa, sorti un an auparavant. Même s’il s’était fait remarquer en remportant le Kennerspiel des Jahres en 2015 et 2016 (resp. avec Broom Service et Isle of Skye, tous deux créés avec Andreas Pelikan), il restait assez « novice » dans le domaine du « gros » eurogame.
Mombasa avait bien fait parler de lui et Great Western était donc plutôt attendu lors du salon d’Essen 2016.
Great Western surprend par un corps de règles extrêmement simple : je déplace mon cow-boy, je fais l’action correspondant à la case d’arrivée et je refais ma main de cartes.
Ce corpus de règles très simple permet de se concentrer rapidement sur l’essentiel du jeu et la stratégie à mener. De plus, lorsque les joueurs sont familiarisés avec les différentes actions, cela donne un jeu très fluide et donc très agréable à jouer.
Le système d’ouvriers à embaucher facilite aussi la lecture du jeu. Chacun d’entre eux correspond à l’une des grandes voies stratégiques. Les cow-boy permettent d’acheter des vaches pour améliorer son « deck » et faire de belles ventes à Kansas City. Les maçons offrent la possibilité de construire des bâtiments offrant de nouvelles options souvent très intéressantes. Quant aux ingénieurs, ils sont très utiles pour faire avancer sa locomotive et ainsi récupérer les bonus présents le long du chemin de fer. Ces 3 axes sont assez faciles à suivre et permettent donc de découvrir le jeu assez facilement, sans être complètement largué. En plus, le système de décompte final sur plusieurs axes assez différents et, parfois, cachés, rendent l’estimation du score de chacun assez difficile. Cela permet aux débutants de découvrir le jeu sans se sentir écrasé lors de leur première partie, même si le score final est sans appel.
L’une des particularités de Great Western est le rythme : les joueurs "tournent" sur le même plateau tout au long de la partie. Le plateau se modifie évidemment au fur et à mesure, mais on tourne tous dessus. Mais pas au même rythme. Certains vont tourner très vite et donc livrer plus souvent leur cheptel alors que d’autres seront plus lents et feront plus d’étapes sur leur trajet. Dans les cas extrêmes, on peut aller de 3 à 8 livraisons. Et, évidemment, chacune de ces options permet de gagner. Chaque stratégie a sa chance.
A ce sujet, les 3 grands axes paraissent totalement déséquilibrés lorsque l’on débute. Comme le but du jeu, au premier abord, est de livrer
des vaches, et comme les vaches rapportent des points quand on les achète, on a l’impression que c’est un passage obligé. Or, pas du tout. Il est tout à fait possible de gagner sans acheter de vaches (même si je ne le conseille pas forcément, 1 ou 2, c’est quand même mieux). Les joueurs auront alors tendance à "tourner" plus lentement et donc à faire un peu moins de livraisons ou bien à récupérer des bonus de vente : certificats permanents grâce à la locomotive ou certificats classiques grâce à certains bâtiments.
Au-delà de ça, les bâtiments peuvent rapporter de gros points et certaines combinaisons peuvent très bien fonctionner. Côté locomotive, le fait d’avoir de nombreux ingénieurs pour pousser la loco et l’arrêter dans de nombreuses gares s’avèrent aussi très lucratifs.
Les joueurs devront constamment faire attention à ce que font les autres : même si les péages qui vont apparaître sur le parcours sont rarement foncièrement gênants (méfiance quand même), les allongements de parcours peuvent être assez pénibles, surtout pour les joueurs souhaitant aller vite. Le marché de l’emploi doit aussi rester sous surveillance. Se battre avec d’autres joueurs pour obtenir un type de main d’œuvre bien précis peut rapidement s’avérer assez dangereux. Les joueurs doivent alors faire preuve de souplesse pour aller vers les ouvriers délaissés et adapter leurs stratégies en fonction de ça.
Une autre bonne idée du jeu, ce sont les déblocages de bonus. En début de parties, chaque joueur possède un plateau personnel recouvert de jetons. Ces jetons peuvent être retirés lors des livraisons de cheptels ou en développant des gares lorsque l’on avance sa locomotive. Les jetons retirés permettent d’avoir accès à de nouvelles actions secondaires (2 dispo au départ, 6 en tout) : se déplacer plus vite, jouer avec plus de cartes en main ou encore pouvoir avoir plus de certificats (pour vendre ses vaches plus cher). Certains de ces jetons, ceux qui donnent les bonus les plus intéressants, ne peuvent être posés qu’à certains endroits, plus difficiles d’accès et on ne pourra donc pas débloquer les avantages correspondants en début de partie. De plus, chaque action secondaire peut être débloquée une seconde fois pour pouvoir réaliser l’action correspondante deux fois grâce au pouvoir de certains bâtiments. Les choix sont donc très cornéliens, surtout en début de partie pour choisir la bonne action secondaire à débloquer, ou, au contraire, pour rester sur celles que l’on a déjà mais les rendre "double". Cette idée fonctionne à merveille et promet de sérieux dilemmes en cours de partie.
Le jeu offre quelques autre opportunités, plus anecdotiques, mais qui pourtant s’intègre parfaitement dans l’ensemble. Les indiens et les dangers sont une belle source de points et d’argent et servent à compléter les objectifs qui peuvent faire la différence en fin de partie. Intégrer de manière maligne au jeu, s’ils paraissent dispensables lors des premières parties, ils apportent un peu de variété qui permet de sortir des sentiers battus des 3 grandes voies stratégiques. Une belle idée, assez classique mais plutôt efficace ici.
La durée de vie du jeu est assurée à la fois par l’arrivée aléatoire des éléments au cours du jeu (ouvriers, pioche du deck,...), mais aussi par les bâtiments disponibles. 10 bâtiments parmi 20 sont disponibles à chaque partie, assurant de belles réflexions sur comment les utiliser en fonction du déroulement de la partie en cours.
Conseils tactiques et stratégiques
Évitez de vous disperser en embauchant de tout comme ouvrier.
Restez très vigilant sur les ouvriers du marché : si un type d’ouvrier semble délaisser, n’hésiter pas à les embaucher et adapter votre stratégie.
Si vous jouez sur les vaches, privilégiez les couleurs en début de partie. S’il y a une vache jaune et 3 bleues au marché, préférez la jaune même si elle vaut moins de points. Vous aurez moins de mal à vous diversifiez ensuite.
Si vous jouez avec peu de vache, n’hésitez pas à acheter une vache à 6 dollars plutôt que d’embaucher un cow-boy qui sera moins utile à long terme, si vous n’achetez que peu de vaches.
En début de partie, si vous êtes un peu court niveau argent, n’hésitez pas à aller à Kansas City : en général le petit boost en argent vaut largement les 6 points de victoire.
Si possible, utilisez plutôt des ouvrier à bonus comme chef de gare : cela vous permettra de regagner les bonus.
Si vous jouez avec très peu de vaches, le bonus de la 5° carte n’est pas forcément utile, et les 6 certificats pourraient avoir plus d’impacts.
Attention, la 6° carte est très forte, mais arrive parfois trop tard dans la partie pour être complètement exploitée. Pesez bien le pour et le contre lorsque vous la prenez.
Les objectifs peuvent être une grosse source de points, soyez vigilant quand vous les prenez et n’oubliez pas ceux qui traînent dans votre deck pour récupérer tout ce dont vous avez besoin pour les valider.
La mise en place proposée permet une prise en main plus douce, mais vous pouvez passer rapidement à la mise en place aléatoire qui apportera une vraie variété dans vos parties (aussi bien pour les bâtiments neutres que pour ceux des joueurs).
Prenez le temps de regarder vos 10 bâtiments de départ, ils peuvent très clairement orienter vos choix initiaux.
Poussez à leurs extrêmes, chaque stratégie permet de faire pas mal de points : les maçons peuvent construire jusqu’à 30 points de bâtiments, voire plus dans certaines configuration, tout en vous apportant des actions intéressantes et quelques sous grâce aux péages. La loco peut développer jusqu’à 40 points de gare tout en vous offrant des opportunités sur certaines actions, des réductions sur la livraison des cheptels ainsi que des chefs de gare. Pour finir, un cheptel de 40 points est aussi envisageable (on a déjà vu plus de 50) tout en vous assurant des belles ventes à Kansas et la possibilité de livrer San Francisco.
Attention, en fin de partie, si vous avez déjà livrer San Diego, Sacramento est plus lucratif que San Francisco.
Public
Clairement, si le corpus de règle de base est très simple (mouvement, action, pioche), la diversité des actions et leur bon enchaînement font que Great Western s’adresse à un public d’initié, aimant les jeux qui font réfléchir et sur lesquels on passe du temps, les parties pouvant facilement dépasser les deux heures. Cependant, si vous appréciez les jeux un peu plus courts (format 90 minutes) avec un peu de règles, Great Western peut être un bon choix pour aller vers les gros eurogames. En effet, une fois l’explication passée, le jeu est relativement fluide et, même quand on est largué au score, ça ne se sent pas trop pendant la partie.
Conclusion
Après Mombasa, Pfister confirme qu’il faut compter sur lui dans la catégorie des gros eurogames (4 ans après la sortie du jeu, on peut même dire qu’il est le devenu l’auteur incontournable de la catégorie). Great Western propose un challenge toujours renouvelé, grâce à son système de mise en place aléatoire et d’arrivée des ouvriers. Exigeant, riche, fluide, il est clairement un incontournable des jeux de ce format et devrait pouvoir séduire la plupart des amateurs d’eurogames.