Le jeu
Le Portugal et ses colonies, le commerce d’épices, le fameux port de Goa, voilà ce qu’il y a à découvrir dans ce jeu. Devenez un riche marchand portugais et développer votre compagnie. Les épices feront sûrement votre fortune, mais serez-vous capable de trouver la voie de développement qui vous permettra de devancer vos adversaires ?
Comment ça marche
Une partie de Goa est divisée en 2 manches, A et B. Chaque manche dure 4 tours et chaque tour se décompose en une phase d’enchères et une phase d’actions. Au début de chaque manche, on dispose 25 tuiles sur le plateau de jeu (sur un carré de 5x5). Les tuiles de la manche B sont un peu plus puissantes que celle de la manche A. Au début de chaque tour, le premier joueur pose son marqueur à coté d’une tuile et mets un jeton "1" dessus. Le joueur suivant pose alors son jeton "2" sur une tuile adjacente, le joueur suivant pose ensuite son jeton "3" sur une tuile adjacente à celle sur laquelle se trouve le jeton "2". Et ainsi de suite jusqu’à ce que chaque joueur ait posé un jeton sur une tuile. Le premier joueur aura alors posé un jeton sur le marqueur de premier joueur et un autre sur une tuile.
Ensuite, les tuiles sont mises aux enchères, dans l’ordre des jetons. On commence donc par le marqueur de premier joueur. Les enchères se déroulent en un tour en commençant par le joueur assis à gauche du joueur qui a posé le jeton. Chacun fait une offre ou passe. Le joueur qui a posé le jeton peut accepter la meilleure offre et laisser le meilleur enchérisseur gagner la tuile, ou bien, il paye un ducat de plus que cette meilleure offre à la banque pour acheter cette tuile.
Les tuiles permettent de gagner des plantation d’épices, des bateaux, des colons, des revenus récurrents ou des actions spéciales. Lorsque l’on achète une plantation d’épices, elle arrive avec ses épices (entre 1 et 3 selon la plantation). Il existe 5 épices différentes. La seconde phase d’un tour va permettre à chaque joueur de réaliser 3 actions. Les joueurs réalisent une action chacun leur tour. Lors de cette phase, on peut soit améliorer l’un des 5 secteurs de sa compagnie, soit effectuer une action correspondant à l’un de ces 5 secteurs. Pour améliorer un secteur, il faut payer les épices correspondantes indiquées sur son plateau personnel, ainsi qu’un nombre de bateaux égal au nombre d’épices. Pour avancer de la première à la deuxième ligne d’un secteur, vous devrez dépenser 1 épice et 1 bateau, pour avancer de l’avant dernière à la dernière ligne (la cinquième), vous devrez dépenser 4 épices et 4 bateaux.
Lorsque vous utilisez un secteur, vous réalisez l’action correspondante. Les 5 secteurs sont :
la construction de bateaux : vous prenez un nombre de bateaux équivalent au niveau atteint dans ce secteur.
la récolte d’épices : vous prenez des épices (en fonction du niveau atteint dans ce secteur) et vous les posez sur vos plantations correspondantes (vous devez avoir la place nécessaire, c’est-à-dire avoir dépensé des épices précédemment).
la levée d’impôts : vous prenez des ducats en fonction du niveau atteint dans ce secteur.
expédition : vous piochez un certain nombre de cartes Expédition en fonction du niveau que vous avez atteint dans ce secteur. Ce dernier détermine aussi le nombre maximum de cartes que vous pouvez avoir en main au cours de cette action. Ces cartes Expédition permettent d’effectuer des actions spéciales et de gagner des points en fin de partie lorsqu’elles n’ont pas été utilisées.
fondation de colonie : vous tentez de fonder une colonie. Plus vous aurez atteint un niveau important dans ce secteur, plus vous aurez de chances de réussir à fonder une colonie. Une colonie est une "super" plantation qui rapporte aussi des points à la fin.
Il y aura donc 8 tours de jeu au cours de la partie, qui suivront ce même déroulement. Il est aussi possible de gagner des actions supplémentaires au cours du jeu pour réaliser plus de 3 actions dans un tour. A la fin de la partie, les joueurs totalisent leurs points. Le joueur avec le score le plus élevé l’emporte. On gagne des points pour l’évolution dans les secteurs (chaque secteur rapporte entre 0 et 10 points en fonction du niveau atteint), pour les colonies fondées, pour la richesse, pour les cartes Expédition que l’on a encore en main et grâce à certaines tuiles achetées aux enchères.
Critique
Goa est un jeu de gestion assez complet, avec un thème moyennement présent (on ne se prend pas vraiment pour un marchand d’épices portugais au cours de la partie). Ce jeu m’a ravi, car à sa sortie il a comblé un vide : l’absence de "gros" jeux allemands depuis plus d’un an. Ca commençait à faire long...
Goa correspond aussi à une certaine mode : le jeu de gestion avec plateau personnel. Dans ce jeu, chaque joueur a 2 plateaux qui s’ajoutent a un plateau commun. Dans une partie a 4 joueurs, il y a donc 9 plateaux sur la table. Malheureusement, les plateaux personnels sont un peu léger et vous devrez en prendre soin si vous ne voulez pas les abîmer. Le reste du matériel est par contre de très bonne facture : des tuiles en carton fort joliment illustrées, des cartes toilées très agréables à manipuler et des épices en bois. Tout ce matériel donne rapidement envie de jouer. Mais avant cela, il faudra ingurgiter les règles qui sont un peu longues et pas toujours très claires.
Pour le reste, je trouve que Goa est vraiment une réussite. La phase d’enchères est une véritable trouvaille qui mérite qu’on s’y arrête. Les joueurs posent donc d’abord leurs jetons sur le plateau. La tuile choisie est, lorsque c’est possible, une tuile qui vous intéresse. En effet, comme vous avez le dernier mot lors de l’enchère, vous pourrez plus facilement l’acheter. Cependant, la tuile sur laquelle vous allez poser votre jeton va aussi conditionner la tuile sur laquelle le joueur suivant pourra poser son jeton. Cette phase peut donc souvent être source de dilemme. Vous devrez toujours choisir entre ce qui vous intéresse et ce que pourra faire le joueur suivant : il ne faudrait pas lui laisser quelque chose de trop intéressant, sauf si vous avez les moyens de l’acheter. Les enchères qui suivent sont aussi palpitantes. Il faut trouver le juste prix de la tuile, sachant que l’on ne parle qu’une fois. C’est assez difficile, surtout que cela dépend forcément aussi de la fortune de vos adversaires qu’il n’est pas aisé de connaître.
Le dernier joueur a toujours aussi un choix difficile : accepter la plus belle offre ce qui lui permettra d’avoir de l’argent ou payer pour conserver la tuile. Mais vaut-elle ce prix ? Une réflexion qui peut se révéler difficile mais qui donne de l’intérêt au jeu. Cette phase est vraiment intéressante, c’est aussi la plus interactive du jeu.
La phase d’action laisse les joueurs un peu plus dans leur coin. C’est une phase d’optimisation, ou vous développerez vos secteurs en essayant d’obtenir un maximum d’efficacité. Les secteurs à développer dépendront de votre stratégie, mais aussi des plantations que vous aurez réussi à récupérer au cours de la phase d’enchères. L’intérêt du jeu réside dans l’équilibre de ces secteurs. Chaque secteur possède ses avantages qui peuvent vous mener à la victoire. Les secteurs des bateaux et des épices vous permettent de progresser plus rapidement dans d’autres secteurs, les impôts permettent d’avoir un avantage lors des enchères, ce qui peut s’avérer décisif, les cartes vous permettent d’avoir droit à des actions spéciales toujours intéressantes et de gagner des points de victoire en fin de partie et les colonies vous permettent de gagner des épices et des points de victoire. Après près de 15 parties, je n’ai toujours pas trouvé de stratégie ultime, ce qui est évidemment une bonne chose pour la durée de vie du jeu.
Cette dernière est à mon avis aussi accrue grâce à la mise en place des tuiles au début des manches A et B. Pour chaque manche, il y a 27 tuiles, or seules 25 seront posées. De plus, elles sont placées aléatoirement sur les 25 cases du plateau, ce qui donne des configurations différentes à chaque partie. Cette disposition permet d’avoir des parties légèrement différentes et permet d’avoir des phases d’enchères variées
Certains pourront reprocher le hasard qui n’est pas absent du jeu. Les cartes Expédition peuvent donner un bon avantage à un joueur s’il pioche celle dont il a besoin. Le contraire peut aussi être gênant, lorsque vous piochez une carte qui ne vous sert à rien. Ce dernier point est en partie contre- balancer par le fait que cette carte vous permettra de gagner des points de victoire supplémentaires en fin de partie. De ce point de vue là, le hasard peut être plus gênant. En effet, sur chaque carte, il y a des symboles, et plus on a de symboles identiques, plus on marque de points (3 points pour 2 symboles identiques, contre 10 points pour 4 symboles). Si en fin de partie, un joueur pioche une bonne série de cartes, il peut facilement gagner 3-4 points de victoire en plus. Une partie se jouant en une grosse quarantaine de points, ce n’est pas négligeable.
Cependant, je ne pense pas que ceci puisse réellement influencer le cours de la partie. Finir avec un nombre de cartes permettant d’empocher beaucoup de points est une stratégie comme une autre qui aura ralenti le joueur dans d’autres secteurs. Je pense que les cartes Expédition rajoute plus de piment que de chaos à Goa.
L’autre point où le hasard intervient, c’est la fondation des colonies. Et là, il est vrai que louper une colonie parce qu’il vous manque un colon est assez rageant. Cela fait perdre du temps et des points. Mais là encore, les joueurs assurent en général leur fondation. Cependant, un joueur qui a de la chance pourra économiser ses colons, ce qui pourra lui donner un avantage en fin de partie.
Pour finir, si, au premier abord, Goa fait immanquablement penser à Puerto Rico à cause du thème, les deux jeux restent très différents. En effet, les mécanismes des deux jeux ne se ressemblent pas du tout et ils ne feront aucunement doublon dans votre ludothèque. Voici deux jeux indispensables à mon avis, et si Puerto Rico garde ma préférence c’est grâce à la subtile interaction qui existe entre les joueurs grâce aux personnages. L’interaction est plus "classique" dans Goa.
Conseils tactiques et stratégiques
Une victoire s’accroche en général avec une grosse quarantaine de points.
Lors de vos premières parties, remarquez bien que chaque secteur à une épice de base (le gingembre pour les bateaux, la cannelle pour les impôts, etc...). Cela facilitera vos développements stratégiques et vos choix d’épices.
Cherchez à atteindre rapidement le premier niveau en "Fondation de colonies", c’est le minimum à avoir.
Le secteur "Expédition" attire souvent grâce aux avantages qu’ils procurent. Ne vous laissez pas attirer trop facilement par cette stratégie qui, si elle évite en général les naufrages, est loin de garantir la victoire.
Le secteur "Argent" est souvent délaissé. Développer ce secteur peut être un véritable atout lors des phases d’enchères. N’hésitez pas à le développer surtout si vos adversaires le délaissent.
N’oubliez pas l’action supplémentaire à laquelle vous avez droit si tous vos secteurs atteignent un même niveau.
Observez aussi vos adversaires : il serait idiot de perdre une carte Expédition juste parce que vous avez retardé votre avancée dans un secteur. Les épices et les bateaux possédés par un adversaire ne suffisent pas : avec une bonne carte Expédition, ce joueur pourrait avancer avant vous, même s’il lui manque quelque chose. Vous perdriez alors une carte Expédition, ce qui serait dommage !
Lors de la phase d’enchère, surtout en fin de manche, observez les tuiles qui seront retirées du plateau. Si des "chemins" se dessinent, l’achat du "drapeau" (marqueur de premier joueur) pourrait s’avérer très intéressant.
N’oubliez que les plantations à une épice rapporte 1 point en fin de partie : elles restent donc intéressantes.
Les colonies rapportent des épices et des points de victoire : il est très important d’en fonder 3 ou 4 au cours de la partie. Ne soyez cependant pas trop gourmand lors de leur achat. Il est souvent préférable de les acheter "dans l’ordre".
Lors du dernier tour, n’oubliez pas que le joueur le plus riche gagnera 3 points de victoire. Cet avantage peut se révéler décisif.
Public
Avec ses parties de plus de deux heures (à 4 joueurs, comptez un peu moins à 3) et la multiplicité des moyens pour gagner des points de victoire, Goa s’adresse clairement à un public de joueurs habitués. Dans mon entourage, presque tous les joueurs chevronnés qui ont testé le jeu l’ont apprécié. Je pense que le thème n’est pas assez présent pour réussir à convaincre des joueurs moins habitués. De mon coté, je les initierais d’abord à Puerto Rico avant de les lancer sur Goa.
Conclusion
Goa est un jeu exceptionnel auquel je prends toujours autant de plaisir à jouer : après 15 parties, je cherche toujours à mettre au point de nouvelles stratégies, à améliorer celles que je connais déjà et à gagner avec celles qui me semblent efficaces mais qui se sont avérées perdantes pour le moment. Si Goa rappelle d’autres jeux comme Müll+Money, par exemple, pour le développement des secteurs, il s’avère cependant plus efficace : les joueurs gardent plus de choix, et l’augmentation des prix au fur et à mesure que les secteurs s’améliorent est un véritable plus sur Müll+Money.
Si le concept général reste donc assez classique, l’imbrication des mécanismes reste parfaite et le système d’enchères "géographique" est vraiment excellent.
Goa est donc un excellent jeu, tout à fait jouable de 2 à 4 joueurs et qui supporte la comparaison avec son illustre aîné, Puerto Rico. A essayer de toute urgence !