Le jeu

Terraformer Mars. Rendre la planète rouge habitable. Le développement technologique de l’Humanité rend ce vieux rêve possible. A la tête d’une méga corporation, vous allez tenter de faire grimper la température et le taux d’oxygène pour attirer les humains sur la planète. Saurez-vous développer les technologies nécessaires pour devenir la corporation la plus en vue de la planète rouge ?

Comment ça marche

Chaque joueur est à la tête d’une corporation qui a un pouvoir et commence avec un certain capital de départ. Chaque joueur reçoit 10 cartes et choisit celles qu’il garde, mais il faut payer 3M$ pour chaque carte gardée.
Le jeu est divisé en générations qui durent plusieurs tours. A chaque tour, un joueur peut réaliser 1 ou 2 actions. L’action principale consiste à jouer une carte de sa main (qui permet d’augmenter ses revenus, de gagner des ressources,...) en payant son coût. Les autres actions vont permettre de réaliser des "projets standards" (augmenter la température, l’oxygène ou les océans, créer des villes,...), de réaliser des objectifs, d’utiliser ses plantes pour planter des forêts ou d’utiliser sa chaleur pour faire monter la température.
Lorsque les joueurs ont fini leurs actions, la génération en cours est terminée, les joueurs produisent leurs ressources et une nouvelle génération commence avec la distribution de 4 cartes à chaque joueur..

La partie se termine lorsque Mars est terraformée : la température a atteint les 8°, le taux d’oxygène est de 14% et 9 océans ont été placés sur le plateau. On procède alors au décompte final (bonus de fin partie, points pour les villes et forêts sur le plateau et pour certaines cartes). Le joueur qui a le plus de points l’emporte.

Critique

Terraforming Mars fut incontestablement la sensation ludique de 2016. Pourtant, il partait avec quelques handicaps : le thème spatial n’est pas souvent bien accueilli, les graphismes étaient loin des standards du moment, auteurs et éditeur étaient inconnus,... Et pourtant, ce fut un immense succès.

La première raison tient sûrement dans la relative simplicité des règles. En effet, alors qu’on est face à un jeu relativement complexe en apparence, avec de nombreuses cartes et options de jeu, les règles sont plutôt vite prises en main. Il existe 7 actions dans le jeu, mais elles sont relativement simples à l’exception de la principale : jouer une carte.
Mais l’ergonomie de ces cartes est un modèle. La majorité d’entre elles se comprennent en un coup d’œil et celles qui sont plus complexes ont un petit astérisque qui nous rappelle qu’il faut être vigilant. Tout est très bien représenté sur le plateau principal et le plateau personnel. Ça facilite grandement la prise en main.

De plus, même si les graphismes restent "spéciaux" (mélangeant représentation graphique et "photos" parfois pas très claires), ils restent cohérent avec le thème. Les auteurs ayant fait un gros travail de documentation, les noms des cartes nous transportent directement dans l’univers de la colonisation de la planète rouge. Et si les thèmes spatiaux sont parfois boudés, l’exploration et la conquête de terres inconnues sont beaucoup plus porteurs.
Ajouté à cela un système de jeu d’une grande fluidité, on obtient un jeu qui a su séduire un large public.

Terraforming Mars reste avant tout un jeu de cartes (même si le plateau n’est pas anecdotique). Toute la stratégie des joueurs reposent sur les cartes et les synergies qui vont pouvoir être créées. En ce sens, il rappelle quelque peu Race for the Galaxy (jeu de développement à base de cartes, sur un thème spatial). Et c’est sûrement le premier écueil pour le jeu. En effet, de nombreuses sensations sont proches, mais Terraforming Mars est plus long, moins fluide que son prédécesseur. Pour les amateurs de Race for the Galaxy, ça peut être gênant. Il faudra dépasser cet a priori de lourdeur pour aller chercher les différences et voir ce qu’apporte Terraforming Mars pour l’apprécier sur la durée.
Car la durée de la partie peut vite devenir un problème. En effet, la durée annoncée de 2h est tout à fait réaliste (surtout si on évite de jouer à 5), mais entre les possibilités parfois importantes laissées aux joueurs, la grande fluidité du jeu qui fait qu’on voit parfois son tour revenir sans avoir pris le temps de réfléchir à ce qu’on voulait faire, on voit souvent des joueurs passer 3,4 voire 5 heures sur la même partie. Il est clair que, sur ces durées là, Terraforming Mars peut sembler interminable et des joueurs habitués auront peut-être alors envie d’aller sur des jeux un peu plus costaud.

Car, comme je l’ai dit plus haut, le jeu reste relativement simple en regard de la richesse qu’il propose. Et, en plus, ça reste un jeu de cartes avec tout le hasard induit par ce genre. Hasard qui peut plaire mais qui rebutera clairement les allergiques. Ces derniers pourront retrouver un peu plus de contrôle et de choix en optant pour la variante "draft" proposée en fin de règles. Elles consistent, au début de chaque génération, à "drafter" les 4 cartes reçues (c’est-à-dire à en choisir une, puis passer les restantes à son voisin et ainsi de suite). L’expérience montre qu’il existe des amateurs pour les 2 options et que le plaisir ressenti est très variable en fonction des goûts de chacun.

Dans tous les cas, vous aurez 4 cartes en main au début de chaque génération, et il va falloir choisir celles que vous gardez. Car, contrairement à la plupart des jeux, on ne garde pas tout ce qu’on pioche. Pour garder, il faut payer. Cela offre de gros dilemmes. Il y a les cartes sur lesquelles vous n’avez pas de doute, celles que vous gardez ou que vous jetez à coup sûr et puis les autres. Celles qui peuvent être bien, mais il reste un doute. Et il va falloir trancher : est-ce que je paye pour garder ?
Le choix est loin d’être évident, surtout pour les cartes à prérequis. En effet, de nombreuses cartes nécessitent qu’une condition soit remplie pour être jouées. Souvent avoir atteint un certain niveau de terraformation (par exemple, qu’il fasse au moins -10°C). La carte est intéressante, mais le seuil sera-t-il atteint assez vite pour que la carte soit "rentable". Ca fait clairement partie des questions que l’on se pose. Surtout que l’inverse existe aussi : certaines cartes ne sont plus jouables si on a dépassé un certain seuil. Avec, évidemment, la question inverse : pourrais-je la jouer avant que le seuil ne soit atteint ? Il faut alors lever un peu le nez de ses cartes pour regarder ce que font les autres joueurs pour essayer de savoir si le paramètre sera rapidement atteint ou non.

Mais l’interaction ne se limite pas à ce facteur. En premier lieu, le plateau. Car, même si Terraforming Mars est, avant tout, un jeu de cartes, le plateau va être important. C’est en effet là que vont se construire les villes et les forêts et c’est là que seront placés les océans, indispensables pour la colonisation de la planète. Beaucoup de cases du plateau offrent des bonus pour celui qui s’y place, de plus, construire à côté des océans rapporte de l’argent et, en fin de partie, les villes rapporteront d’autant plus de points qu’il y aura de forêts autour d’elles (quel que soit le joueur qui a placé cette forêt). L’interaction est donc permanente pour prendre les bons emplacements et empêcher les autres joueurs de profiter de nos placements.

L’autre élément de "course", ce sont les objectifs. Au nombre de 5, ils rapporteront 5 points à celui qui les réclamera. Ca coûte une action et 8M$ de le faire si on remplit la condition indiquée. Seuls 3 des 5 objectifs pourront être validé. Etant donné qu’il s’agit du meilleur ratio Points/Coût, leur réalisation est assez importante et demande de bien surveiller ses adversaires au risque de perdre de précieux points.
Le dernier élément sont les "Récompenses". De la même manière, il en existe 5 et seules 3 pourront être validées. Le fonctionnement est différent : un joueur paye pour rendre "disponible" une récompense lors du décompte final. A ce moment-là, on comptera le nombre d’éléments en rapport avec la récompense (par exemple, être le joueur à avoir posé le plus de tuiles sur le plateau) et celui qui en aura le plus gagnera 5 points, le second 2. Donc, le joueur qui paye pour rendre la récompense disponible n’est pas sûr de faire les points, il peut se faire griller par un autre. Il faut donc choisir le bon moment pour "acheter" la récompense, mais, plus on attend (pour être sûr de ne pas se faire griller), plus on risque de payer cher. Encore un gros dilemme.
On pourra cependant regretter que ces éléments soient toujours les mêmes à chaque partie. J’aurai apprécié d’avoir des objectifs et récompenses qui puissent changer à chaque fois (c’est un élément qui apparait dans les extensions, mais les objectif et récompenses restent liés à leur plateau d’origine).

On est clairement face à un eurogame pur jus mais le thème est vraiment très présent. Tous les éléments du jeu concourent à nous mettre dans l’ambiance, sans jamais sacrifier à l’ergonomie, ce qui est suffisamment rare pour le souligner. Comme indiqué plus haut, la durée de partie peut vite exploser, surtout si des joueurs un peu lents se retrouvent avec beaucoup de cartes à effet dans leur tableau. C’est clairement un écueil que j’ai failli ne pas passer et seule la volonté de mon groupe de joueurs d’essayer de jouer "vite" nous a permis d’aller plus loin.

Le jeu propose aussi une version solo. Dans un premier temps, le but est de réussir à terraformer la planète en 14 générations. Le côté "course contre la montre" marche plutôt bien en offrant aux joueurs un challenge intéressant qui n’est pas l’affrontement d’un "bot". Cependant, sauf tirage catastrophique, les joueurs expérimentés n’auront pas trop de difficulté à remporter le challenge. Le jeu pourra quand même conserver de l’intérêt en essayant d’obtenir des scores élevés (tout en n’oubliant pas de terraformer la planète). Les différentes corporations offrent aussi un peu de renouvellement à ce challenge pour les amateurs de jeu solo.

Conseils tactiques et stratégiques

- N’oubliez pas que le NT (score actuel) fait aussi votre revenu en sous. Les possibilités de monter son NT ne sont donc jamais à négliger.
- Les joueurs oublient facilement les objectifs : ce sont les sources de points les plus rentables, il faut donc toujours garder un œil dessus.
- Chaque carte a une utilité mais la plupart des cartes sont circonstancielles : vous devez toujours mesurer l’intérêt de garder une carte en fonction de l’évolution du jeu et de son intégration dans votre tableau.
- N’oubliez pas les "réductions" qu’offrent l’acier (sur les cartes avec le badge "maison") et le titane (sur les cartes avec le badge "étoile").
- Vous n’êtes pas obligé de faire 2 actions par tour. 1 seule suffit pour rester en jeu à cette génération et il peut parfois être utile de temporiser en ne faisant qu’une seule action.
- Surveillez bien les récompenses : si vous avez vraiment pris l’ascendant sur l’une d’elle et que vous avez les moyens de rester devant, il peut être bien de l’acheter tant qu’elle est bon marché.
- En fin de partie, malgré son coût élevé, la récompense à 20 est souvent l’action la plus rentable si vous êtes en tête dessus.
- N’oubliez jamais que vous pouvez utiliser les projets standards : ils sont souvent un bon moyen de débloquer une situation (même s’ils sont un peu cher).
- Les forêts se posent à coté de tuile que vous avez déjà posées. La pose de votre première tuile est donc importante, car les forêts ne pourront se placer qu’autour d’elle dans un premier temps.
- N’oubliez pas qu’une forêt rapporte un NT à la pose (à cause de la montée du taux d’oxygène), un point de victoire en fin de partie et un éventuel autre point (voire plusieurs) si une ville est à côté. Ca peut donc rapporter très gros.
- Ne négligez pas les points de victoire de fin de partie sur les cartes, ils peuvent rapporter gros.

Public

Malgré un gameplay assez riche et des parties assez longues, Terraforming Mars fait partie de ces jeux qui arrivent à séduire au-delà de leur cible initiale. La relative simplicité des règles alliée à un thème porteur, font que le jeu arrive à plaire à un public assez large. La durée des parties et la multiplicité des cartes (chaque carte est unique) font qu’il sera cependant très difficile d’y jouer avec des joueurs novices.

Conclusion

Un thème très bien rendu pour un eurogame, une ergonomie parfaitement soignée (un modèle du genre sur lequel certains éditeurs devraient prendre exemple), des parties assez variées grâce au nombre de cartes et de corporations disponible, font de Terraforming Mars un incontournable. En ayant réussi à bien mêler l’aspect cartes et l’aspect plateau, les auteurs nous offrent un jeu assez complet. A part si vous êtes allergiques aux cartes à effet, c’est clairement un jeu à essayer. Et même si la première partie peut rebuter un peu, donnez-lui une seconde chance, il pourrait vous séduire ! Il s’est imposé en quelques années seulement comme un grand classique.