Le jeu
Dans une ville du désert, vous allez devoir prendre le contrôle des boutiques et utiliser l’intendant pour charger vos marchandises sur la caravane à destination d’Yspahan. Arriverez-vous à prendre les meilleurs emplacements avant vos adversaires pour remporter la victoire ?
Comment ça marche
Le jeu est divisé en 3 semaines de 7 jours chacune. Un jour représente un tour de jeu. A chaque tour, le premier joueur jette les 9 dés (il peut en acheter jusqu’à 3 de plus). On associe alors les dés par valeur et on les place dans la "tour". Les dés de la plus petite valeur obtenue sont placés sur la première ligne de la tour, ceux de la valeur la plus élevée, sur la dernière ligne. Ensuite, on remplit les lignes à partir du bas. Toutes les lignes ne sont donc pas remplies à chaque fois.
Ensuite, le premier joueur choisit l’une des lignes et applique l’action correspondante autant de fois qu’il y a de dés sur cette ligne. La première ligne permet de prendre des chameaux, la dernière permet de prendre de l’or, les 4 autres permettent de réserver des emplacements de boutique dans l’un des 4 quartiers de la ville. Plus la ligne est élevée dans la "tour", plus le quartier est intéressant. Chacun des 4 quartiers est divisé en souk, et chaque souk compte un certain nombres de boutiques. Un joueur doit réserver toutes les boutiques d’un souk avant de pouvoir réserver des boutiques dans un autre souk de ce quartier. 2 joueurs ne peuvent pas réserver des boutiques du même souk. De plus, au lieu de réaliser l’action correspondant à une ligne, le joueur peut déplacer l’intendant pour envoyer le cube d’une boutique dans la caravane ou pour piocher une carte qui lui donnera divers avantages pour la suite du jeu. Après son tour, un joueur peut construire un bâtiment.
A la fin de la semaine (7 tours de jeu), on décompte la ville et la caravane. Dans la ville, les souks remplis rapportent des points (en fonction de leur taille et de leur quartier), les souks non remplis ne rapportent rien. La ville est ensuite vidée pour la semaine suivante. Pour la caravane, chaque joueur gagne des points en fonction du nombre de pions placés et de leur "hauteur" dans la caravane. Si, par la suite, la caravane est remplie, elle est décomptée puis vidée.
Après les 3 semaines, le joueur qui a obtenu le plus de points remportent la partie.
Critique
Comment l’éditeur de l’incroyable Caylus et de jeux tel Mykerinos ou Ys peut sortir un jeu avec 12 dés ? Cela semble aller à contre courant de la politique éditoriale d’un des éditeurs français les plus professionnels. Mais vu le passif, on ne peut que se pencher sur ce jeu. Et force est de constater que Ystari a encore fait un magnifique travail sur ce jeu de Sébastien Pauchon.
L’idée vraiment originale de l’auteur, c’est la manière d’utiliser les dés. Ce principe est vraiment novateur et les actions annexes permettent de compenser les tirages déséquilibrés. Evidemment, le hasard est très présent, mais les choix des joueurs restent primordiaux pour la victoire. L’intérêt du jeu réside d’ailleurs dans ces choix, toujours cornéliens. Chaque action peut être intéressante, de plus on ne veut pas laisser des choix trop intéressants aux autres joueurs et la possibilité de piocher une carte ou de renforcer une action par une carte offre une palette de possibilités assez importante. C’est ce qui rend le jeu intéressant. En plus, les choix restent quand même relativement simples, ce qui fait que le jeu est très fluide, avec des temps d’attente relativement courts.
Le jeu repose sur 3 sources de revenus en points : les souks, la caravane et les bâtiments. Les souks sont remis en jeu à chaque semaine et peuvent être assez lucratifs, mais il n’est pas toujours facile de prendre les bons emplacements. La caravane rapporte de manière exponentielle : très peu au début, mais rapidement, elle peut devenir très lucrative. Les bâtiments rapportent quelques points et donnent des avantages dans le jeu. Ils peuvent rapporter jusqu’à 25 points, ce qui n’est pas négligeables (à 4 joueurs, les parties se jouent régulièrement autour de 80 points). Mais ils sont aussi là pour soutenir la stratégie qui vous intéressent. Clairement, il faudra avoir deux bonnes sources de revenus, voire les 3. Le jeu va donc se décider à la fois sur quelques décisions stratégiques, mais il faudra constamment s’adapter aux résultats obtenus aux dés et aux choix laissés par les autres joueurs.
Le système de cartes est aussi intéressant et permet de compenser un mauvais tirage en récupérant des cartes aux effets assez variés. De plus, si la carte a un effet peut intéressant pour le joueur, il peut l’utiliser pour améliorer une action "classique", ce qui rend la pioche de cartes toujours intéressante. La partie est tendue jusqu’au bout et permet à chaque joueur de s’en sortir. en effet, la construction de bâtiments ou le décompte de la caravane permet de rattraper des écarts importants.
Comme d’habitude, l’éditeur a publié une variante pour deux joueurs qui rend le jeu tendu et agréable dans cette configuration et nous permet d’avoir un nouveau bon jeu jouable de 2 à 4.
Yspahan réussit le tour de force de proposer un jeu aux règles relativement simples qui peut séduire un public occasionnel tout en offrant suffisamment de variété pour séduire un public plus exigeant. Son principal défaut réside dans certains choix stratégiques qui peuvent s’avérer bien plus payants que d’autres et oblige, entre joueurs chevronnés, à mettre en place certaines variantes.
Conseils tactiques et stratégiques
Une partie à 4 joueurs se gagne à un peu plus de 80 points. Certains joueurs expérimentés peuvent finir avec plus de 100 points, voire 120.
Ne négligeait pas la caravane qui peut rapidement rapporter plus de points qu’elle n’en a l’air.
Le bâtiment "caravansérail" peut être très puissant, car il permet de combiner deux actions : l’envoi de cubes dans la caravane et la pioche de cartes.
N’hésitez pas à choisir une action qui vous intéresse moins pour ralentir un adversaire.
N’hésitez pas à piocher des cartes, leur avantage peut rapidement compenser le retard que vous prenez en ne choisissant pas d’action.
Si vous trouvez le caravansérail trop fort (en général, ce n’est pas le cas lors des premières parties, mais si vous maitrisez bien le jeu, vous vous en rendrez compte, vous pouvez augmenter son coût à 4 pièces d’or et 4 chameaux). De plus, vous pouvez limiter la pioche dûe au caravansérail à une carte même si vous envoyez deux cubes dans la caravane.
Public
Grâce à ses règles relativement simples, Yspahan est un jeu qui s’adresse à un public assez large. Cependant, les règles sont plus longues que sur d’autres jeux du format, ce qui pourra rebuter certains joueurs. Si vous en faites partie, ne vous arrêtez pas à votre première impression et tentez le coup : à l’usage, Yspahan n’est pas si compliqué que ça. Les choix relativement variés qu’il propose pourront stimuler les joueur plus aguerris même si les allergiques au hasard auront sûrement du mal avec tous ces dés et certains tirages de dés ou de cartes particulièrement chanceux ou catastrophiques.
Conclusion
Réussir à utiliser un élément aussi commun que le dé de manière nouvelle est un beau tour de force qui montre qu’on peut encore avoir des idées originales dans la création ludique. Une nouvelle fois, Ystari montre son savoir-faire en créant un jeu équilibré mais accessible et suffisamment varié pour avoir une bonne durée de vie. Certes, il existe des jeux bien plus stimulants au niveau réflexion ou plus simple pour un public familial, mais quand on cherche un minimum de réflexion dans un jeu léger pouvant se jouer en fin de soirée, Yspahan est un bon choix.