Le jeu

Un savant de Marseille entièrement dissout dans sa baignoire. Mais qui est le coupable ? Le chimiste qui a facilement accès à l’arme du crime, le directeur de recherches jaloux, le laborantin maladroit, le neurologue concurrent ou le neurophysicien ridiculisé. En tant que suspect, vous devrez brouiller les pistes, en tant qu’inspecteur, vous devrez déméler le vrai du faux. Saurez-vous mener vos adversaires en bateau ?

Comment ça marche

Le jeu est composé de 7 livrets : le livret de l’inspecteur, le livret du greffier et 5 agendas pour les supects (l’un d’entre eux est le coupable). Le greffier choisit alors une enquête (repérée par sa date et tous les autres joueurs ouvrent leur livret à cette date). On y trouve un intitulé d’enquête souvent drôle (comme celui indiqué plus haut). De plus, dans son livret, l’inspecteur peut voir la liste des suspects avec une petite phrase pour le situer dans le contexte. Chaque suspect voit son nom sur son livret ainsi que deux séries de 3 mots. Pour commencer, chaque joueur n’utilisera que la première des deux séries.

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Le livret de l’inspecteur

Ensuite, l’enquête de l’inspecteur commence. Il va devoir interroger tous les suspects pendant une minute. Chaque suspect devra répondre à l’interrogatoire en faisant marcher son imagination. Seule contrainte : utiliser les 3 mots de la série. Tous les innoncents ont les mêmes 3 mots, le coupable a 3 mots différents. C’est uniquement sur ça que va devoir se porter l’attention de l’inspecteur pour démasquer le coupable.

Après le premier interrogatoire, l’inspecteur procède à un contre interrogatoire de 30 secondes avec chaque suspect. Cette fois-ci, les suspects doivent utiliser la deuxième série de 3 mots. Au cours de ces interrogatoires, le greffier n’est là que pour contrôler que les joueurs prononcent bien leur 3 mots.

Au terme de ces interrogatoires, chaque suspect pronostique si l’inspecteur va trouver ou non le coupable. Puis l’inspecteur annonce son coupable. S’il se trompe, il perd des points, le coupable et l’innocent accusé à tort gagnent des points. S’il a raison, il gagne des points et le coupable en perd. Dans tous les cas, les joueurs qui ont fait un bon pronostic sur le verdict de l’inspecteur gagnent 1 point, les autres en perdent 1.

Lorsque chaque joueur a été inspecteur 1 fois, le joueur qui a cumulé le plus de points est le vainqueur.

Critique

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INNOCENT

Petits meurtres et faits divers est un OVNI ludique, à mi-chemin entre le jeu et le théatre d’improvisation. Mais là où d’autres se perdent, Petits meurtres... arrivent à être un jeu tout en restant complètement à part. Comme tous les jeux de ce style, il permet pas mal de variations, mais les règles sont cohérentes et l’ambiance est au rendez-vous.

Bien évidemment, pour que la "sauce" prenne, il faut que les joueurs aient un peu d’imagination, aiment s’exprimer devant les autres et arrivent à jouer avec l’exercice imposé des 3 mots. Pour l’imagination, il faut avouer que l’auteur a bien "maché" le travail : le contexte de l’enquête est bien posé (avec une seule phrase par enquête, c’est un vrai tour de force) et chaque personnage est bien situé dans ce contexte. De plus, les 3 mots imposés vont forcèment guider le "témoignage" du joueur. Tout cela fait qu’il est relativement facile de rentrer dans l’action. Si un joueur est un peu plus à l’aise dans cete exercice, il peut être intéressant de le faire parler en premier de façon à rendre la tâche plus facile pour les autres.

Et quand tout le monde s’y met, l’enchaînement des témoignages peut donner lieu à de vraies crises de fous rires, permettant au jeu de se dérouler dans la bonne humeur. Et en plus, au milieu de tous ces rires, l’inspecteur et les joueurs tentent de repérer les fameux mots. Car tout tourne autour d’eux. Pour l’inspecteur, il faut les repérer dans les témoignages et essayer de voir celui qui ne dit pas les mêmes. Pour le coupable, il faut essayer de repérer les mots des innocents et les replacer dans son propre témoignage. Et les innocents essayent de repérer les mots du coupable et de les utiliser tout en tentant d’embrouiller au maximum l’inspecteur. En effet, se faire accuser à tort rapportent des points. La tache n’est donc pas évidente pour l’inspecteur, mais les témoins n’ont qu’une minute pour faire tout ça, ce qui est bien peu.

Le jeu repose donc sur cette alchimie entre les discours des joueurs et les enquêtes. Car ce qui permet aux enquêtes de fonctionner même avec des joueurs qui ont parfois du mal à se lacher, c’est l’enquête, c’est-à-dire le travail de l’auteur. Car contrairement à la plupart des jeux d’ambiance, le travail de l’auteur est palpable ici : choix des enquêtes, toujours décalées, choix des mots, toujours en rapport avec l’enquête et souvent avec un mot décalé par rapport aux autres. C’est le choix subtil de ces mots et de ces enquêtes qui fait que ce jeu marche et que l’on se rend compte que l’auteur a fait un gros travail de fond.

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COUPABLE

De plus, la durée de vie est incroyable, avec plus de 240 enquêtes proposées. Pour la plupart des enquêtes que j’ai jouées, j’ai déjà oublié les mots et les coupables, le jeu possède donc une très grande rejouabilité, la durée de vie semble infinie. Surtout qu’une même enquête rejouée pourra prendre une tournure très différente en fonction des témoignages, ce qui permet des délires très différents en fonction des joueurs.

De plus, le matériel est plutôt de bonne qualité et original, puisque le jeu est présenté sous la forme de 7 livres de poches, accompagné de pions et d’une piste de score. Certains ont fait remarquer que c’est toujours dans le même livre que se trouve le coupable, ce qui pouvait poser problème en cas de marque. Il faut avouer qu’il était difficile de dispatcher les coupables dans les différents bouquins (la préparation du jeu en aurait douloureusement souffert). De plus, en tant qu’enquêteur, je regarde toujours mon interlocuteur dans les yeux, il ne m’est jamais venu à l’idée de regarder son livre. Donc sauf à faire une très grosse marque sur son livre de coupable, il parait peu probable que ce soit gênant. Par contre, les livres peuvent glisser très facilement de leur rangement, ce qui peut être gênant lors du transport, un élastique est indispensable. De plus, il y a beaucoup de pions à manipuler sur la piste de scores, et il est dommage que les pions ne soient pas en double pour permettre un comptage des points plus simple. On me rétorquera que le score n’est pas la motivation première de ce type de jeu. C’est vrai, mais il est toujours agréable de compter les points lorsqu’on fait une "vraie" partie.

En effet, Petits meurtres et faits divers est un jeu qui peut facilement "boucher" un trou en attendant : on peut facilement le sortir pour faire une seule enquête. Si les joueurs jouent le jeu (ne pas se faire découvrir pour le coupable, tenter de se faire accuser à tort pour les innocents), la partie est vraiment agréable. De plus, on peut accélérer le temps des enquêtes en ne procédant qu’à un seul interrogatoire. Lors de parties complètes, il peut être intéressant aussi de passer à un seul interrogatoire si on se rend compte que l’inspecteur trouve trop facilement les coupables (ça dépend beaucoup des joueurs).

Conseils tactiques et stratégiques

- Tout réside dans les mots : en tant qu’innocent, il vous faut repérer les mots du suspect pour les intégrer à votre témoignage. Cela embrouillera l’inspecteur. De plus, n’hésitez pas à rajouter des mots bizarres de votre cru.
- En tant que coupable, vous devez absolument essayer de repérer les mots des innocents pour les placer dans votre témoignage. Si vous passez en premier, essayer de rajouter des mots que les autres pourront utiliser pour brouiller l’inspecteur.
- En tant qu’inspecteur, esayez de mener un peu l’interrogatoire en orientant vos questions en fonction des mots que vous arrivez à reprérer.
- Laissez-vous aller, vous êtes là pour rigoler

Public

Petits meurtres et faits divers s’adresse à un public très large, du joueur débutant au joueur expérimenté. Seuls ceux qui ont horreur de s’exprimer en public pourrait avoir du mal avec ce jeu, mais même des timides peuvent y prendre du plaisir. Les joueurs qui n’aiment pas les jeux d’ambiance peuvent y trouver leur compte, si le coté improvisation leur plait. Sinon, peu de chance qu’ils apprécient celui-ci.

Conclusion

Petits meurtres et faits divers est un jeu bien construit, riche et offrant une très grande durée de vie, des qualités que peu de jeux qualifiés "d’ambiance" ont. Evitant les habituels défauts de ce type de jeu (attaque directe contre un joueur, parodie de certains univers spécifiques, demandant un certain niveau de culture,...), Petits meurtres... offre des parties intéressantes et variées où la bonne humeur est toujours au rendez-vous.