Le jeu

Les joueurs vont prendre pied dans la Révolution française et soutenir les Révolutionnaires à Bordeaux, les Royalistes en Vendée ou les Modérés à Paris. Leur but n’est pas celui des idées, mais le pouvoir. Ils feront tout pour entrer au gouvernement, décapiter les personnalités indésirables et s’installer à la tête du pays.

Terreur, contre-révolution, bataille, guillotine et autres sans culottes jalonneront les parties. A vous de vous en servir le mieux possible pour déjouer les pièges de vos adversaires et vous installer à la tête du gouvernement.

Mais saurez-vous vous installez à la tête du gouvernement ou fomentez un raz-de-marée révolutionnaire si le vent tourne mal ?

Comment ça marche

Une partie est divisée en 4 manches. Le jeu se joue avec des cartes représentant des Personnalités de la Révolution française. Sur ces cartes, on peut voir un fond coloré indiquant pour quelle région la carte peut-être jouée, combien de bloc (1, 2 ou 3) de quelle couleur (rouge, blanc ou bleu) peuvent être placés dans 1 ou plusieurs provinces de cette règion, s’il s’agit ou non d’un général. Il peut aussi y avoir 1 sans culotte et/ou un canon.

Les joueurs placent des blocs dans les différentes provinces du plateau. Si un joueur joue plusieurs blocs dans la même province, il les empile. De plus ces blocs doivent être de la même couleur. Une pile ne peut pas contenir plus de 3 blocs et il ne peut pas y avoir plus de 3 piles par province. Un même joueur ne peut soutenir qu’une seule pile par province. Ca parait lourd, mais c’est très simple, relisez et vous verrez.

A chaque fois que l’on joue une carte personnage, on doit choisir soit de la garder, soit de la défausser. Si on choisit de la garder, on la pose devant soi, dans sa "réserve". Chaque joueur peut avoir 4 cartes dans sa réserve, 5 s’il a au moins un sans culotte, et on ne peut pas volontairement défausser une carte de sa réserve.

Une manche s’arrête lorsque tous les blocs d’une couleur ont été posés sur le plateau. On procède alors aux élections. Il y a une élection dans chaque province. Dans une province, la pile de blocs la plus élevée remporte les élections, qu’elle que soit la hauteur et la couleur des autres piles (1 pile de 3 rouges gagne face à 2 piles de 2 blancs). La couleur victorieuse gagne un point et le joueur qui la contrôlait gagne un bloc de la couleur concernée. En cas d’égalité (fréquentes, puisqu’une pile ne peut pas contenir plus de 3 blocs), les joueurs à égalité vont devoir "engager" des Personnalité de leur réserve pour soutenir les élections. Quel que soit le résultat (qu’il y ait un vainqueur ou non), tous les pions de la province sont retirés du plateau.

Lorsque toutes les provinces ont été décomptées, la couleur qui a le plus de points remporte les élections. Le joueur qui a devant lui le plus grand nombre de blocs de cette couleur (donc qui a le plus participé à cette victoire) devient le chef du gouvernement et gagne 5 points de victoire. Le seconde gagne 2 points de victoire. Le joueur qui a le plus de blocs de la seconde couleur devient le chef de l’opposition et gagne 3 points de victoire.

On commence ensuite une nouvelle manche, sur le même modèle. A partir de la seconde manche, il y a des batailles. En jouant une personnalité avec un canon, on peut placer l’un de ses pions dans la Battle Box. A la fin de la manche, avant les élections, le joueur qui a le plus de pions dans la Battle Box et qui a un général dans sa réserve remporte la bataille et les points de victoire correspondants (entre 3 et 5). Certaines cartes spéciales permettent d’éliminer des cartes se trouvant dans les réserves (comme la "Guilotine" par exemple). Il n’est donc pas toujours évident d’avoir un Général dans sa réserve.

A la fin de la 4ème manche, le joueur qui a le plus de points remporte la partie. Cependant, si durant des élections les Rouges atteignent 17 points, c’est la Marée Rouge, le joueur qui contrôle le plus de blocs rouges sur le plateau et avec ses cartes remporte la partie, quel que soit son score. De plus, si durant la 3ème ou 4ème manche, 7 provinces CR (Contre Révolutionnaire, environ la moitié des provinces du plateau) sont contrôlés par des piles blanches, il y’a une contre-révolution royaliste et le joueur qui a le plus de pions blancs sur le plateau et sur ses cartes remporte la partie quel que soit son score.

Critique

Liberté est un jeu très riche, avec beaucoup de possibilités et un thème assez profond.

Le jeu est relativement simple malgré une première lecture des règles qui pourraient rebuter et laisser croire le contraire. Il est très difficile d’appréhender toutes les possibilités lors de la première partie : quelles peuvent être les conséquences de tel ou tel coup, est-il possible d’appréhender toutes les conditions de fin de partie dès le début, quelle est la meilleure manière de gagner des points ? Cependant, après une première partie, il devient plus facile de répondre à ces questions et le jeu gagne en fluidité et en intérêt.

L’une des grandes forces de Liberté est de mélanger à la fois un jeu aux points de victoire et un jeu à conditions de victoire qui peuvent arriver subitement. Les points de victoire sont distribués au compte-goutte et il est donc très simple de se retrouver larguer au score. Cependant, comme il est possible de gagner de deux autres manières (Marée Rouge et Contre Révolution), tous les joueurs se sentent impliquer dans la partie. Les joueurs en tête doivent continuer à se battre pour gagner des points de victoire tout en empêchant les autres de terminer la partie prématurèment. Jouer un coup de contre pour éviter la victoire d’un joueur larguer au score reste vraiment un moment intéressant. Cette originalité évite aussi qu’un joueur, qui s’est désintéressé de la partie à cause de son score ne fasse gagner un autre en jouant n’importe comment. Chaque joueur a toujours une chance de l’emporter et va donc toujours jouer dans son propre intérêt.

Liberté est aussi intéressant quel que soit le nombre de joueurs (de 3 à 6). Donc, en plus d’avoir la qualité rare d’être jouable à 6, Liberté reste intéressant à 3. Evidemment, les parties sont très différentes en fonction du nombre de joueurs. Plus on est nombreux et plus il y a de joueurs qui sont intéressés pour finir la partie prématurèment (il y a toujours aussi peu de points à distribuer donc il y a encore plus de joueurs qui n’en ont pas). Les joueurs en tête au score doivent donc faire attention à l’adversité et peuvent essayer de remporter la partie autrement qu’au point. A 3 joueurs, par contre, la course aux points fait rage entre tous les joueurs et il est plus facile de contrer une tentative de victoire subite. Les parties sont donc tendues et chacun cherche à prendre des points par tous les moyens. Liberté présente donc de nombreuses facettes et gagne à être joué dans toutes les configurations.

Nous allons aborder les défauts du jeu en commençant par le matériel. Le plateau est certes grand et en général lisible, il n’en demeure pas moins plutôt moche et pas très agréable à regarder (même si j’aime bien les couleurs). De plus, certaines délimitations de province ne sont pas claires ce qui peut être gênant en cours de partie. Les cartes sont plutôt robustes, les dessins y sont clairs, mais là encore ce n’est pas très beau. De plus, alors que c’est la couleur d’une carte qui permet de savoir où l’on peut placer les pions, une couleur de carte n’est pas identique à la couleur de la région correspondante du plateau. Quand on le sait, ça passe, mais c’est quand même gênant, surtout lors des premières parties. Par contre, le reste des pions est en bois et est très agréable à manipuler.

Le jeu comprend aussi un petit "bug" au niveau du système de pioche qui doit être corrigé pour que le jeu tourne correctement. Nous y reviendrons dans le paragraphe sur les conseils tactiques et stratégiques.

Au niveau hasard, je trouve le jeu plutôt équilibré. Bien sûr, la pioche ne propose pas toujours les cartes que l’on voudrait, mais il faut savoir jongler entre ce que l’on a en main et ce qui peut être intéressant à piocher, en terme tactique ou de contre. De plus, la gestion de la réserve et les différents moyens d’éliminer des cartes chez les adversaires sont assez agréables, pas vraiment déséquilibrés et permettent de rester dans le thème. Certes, il est rageant de voir une carte "Terreur" ou "Guillotine" nous passer sous le nez, mais il y a toujours moyen de se refaire.

Liberté est donc un jeu intéressant, qui mélange subtilement hasard et tactique tout en offrant de nombreuses possibilités de jeu aux joueurs.

Conseils tactiques et stratégiques

Avant de commencer, nous allons vous proposer une variante qui permet de relancer l’intérêt du jeu : - 1. Il est possible de piocher 2 cartes en même temps, s’il n’y a qu’un cube sur chacune des deux cartes. Les deux cartes sont ensuite remplacées. - 2. Il est possible de jouer 2 cartes en même temps s’il n’y a qu’un cube sur chacune des deux cartes. Si on joue un canon, il est impossible de jouer une deuxième carte ce tour ci. - 3. Si, au début de son tour, un joueur voit pour la 3ème fois consécutive la même pioche de cartes face visibles, il la renouvelle entièrement, avant de jouer. Utiliser le pion noir pour savoir qui a renouvelé la pioche en dernier.

- N’hésitez pas à préparer très tôt une possibilité de victoire subite, mais évitez de vous fermez trop de portes. - Au 3ème et 4ème tour, n’oubliez pas les points que l’on peut gagner grâce à certaines provinces, ils peuvent vous rapporter la victoire. - Si les joueurs qui se battent au point joue Rouge, n’hésitez pas à les suivre en essayant de faire passer la Marée Rouge. Ils peuvent vous aider à gagner. - N’oubliez jamais que la Contre Révolution peut arriver très rapidement et qu’une bataille perdue joue en faveur de la Contre Révolution. - Si vous êtes en tête au score, vérifiez scrupuleusement les régions CR contrôles par les monarchistes et vérifiez si elles ne pourraient pas tomber avant votre prochain tour. - Même si vous vous battez au score, n’hésitez pas à vous ménager une porte de sortie par une victoire subite.

Public

Même si les règles de Liberté ne font que 4 pages, elles sont denses et un peu obscures lors des premières parties. Il existe plusieurs manières de marquer des points et plusieurs manières de gagner. Les parties peuvent durer plus de 2 heures. Tout ceci fait que Liberté ne s’adresse pas à un public néophyte. Malgré tout, des joueurs occasionnels qui seraient attirés par le thème pourraient se laisser prendre au jeu. Après quelques tours de jeu, les règles s’avèrent relativement simples et le jeu est vraiment riche sans être incontrôlables. Le coté "Guillotine" rajoute un coté proche de notre Histoire (même si elle n’est pas respecter dans le déroulement du jeu) qui est sympathique.

Donc, si Liberté est un jeu assez complexe, il reste quand même accessible à un public qui aurait envie de découvrir des jeux un peu plus "costaud" et qui ne serait pas découragé par des durées de partie un peu longues. Mais ce n’est clairement pas un jeu d’initiation.

En conclusion

Liberté est un jeu riche, au thème fort mais qui a su se libérer du carcan historique qui enferme souvent ce type de jeu dans des parties et des stratégies répétitives. Basé sur un système de cartes simples mais efficace (surtout si vous utilisez la variante indiquée), mêlant habilement tactique et hasard, et avec une bonne originalité au niveau des conditions de victoire, Liberté est un jeu qui procure beaucoup de plaisir. On retouve aussi un coté "fun" et un peu chaotique propre à la Révolution française, tout en gardant un coté tactique et stratégique très intéressant.

Dommage que le matériel ne soit pas à la hauteur de la qualité du jeu, on aurait alors eu un jeu vraiment incontournable. On a quand même un jeu qui procure de réelles heures de plaisir ludique et qui reste très jouable dans toutes les configurations de joueurs indiqué (3 à 6). A tester absolument et à rejouer pour bien maitriser les différents paramètres du jeu.