Le jeu

Dans ce jeu, vous éjecterez vos pions du plateau, pour les remettre en jeu après les avoir retournés. C’est tout ? Et bien oui. Mais saurez-vous déjouer les pièges de votre adversaire pour remplir votre mission avant lui ?

Comment ça marche

Le plateau est un carré de 6 cases sur 6 cases. Il y a 38 pions (19 jaunes et 19 rouges) avec une face toute colorée et l’autre face avec un petit point au centre. Au début de la partie, on place les pions sur le plateau, face colorée visible (les pions sont posés alternativement, comme les cases d’un échiquier). Chaque joueur possède alors encore un pion de sa couleur ne main.

A son tour, un joueur introduit le pion qu’il a en main, face point visible, sur le plateau, et récupère le pion qu’il éjecte de l’autre coté. C’est ce pion qu’il réintroduira en jeu lors de son prochain tour. On peut éjecter tout type de pion à l’exception des pions adverses qui ont déjà été retournés (face "point" visible donc). Le premier joueur qui parvient à retourner tous ses pions remporte la partie.

Critique

Comme vous avez pu le lire, le principe d’Invers est enfantin, comme c’est la cas de la plupart des jeux abstraits, plus précisément de ceux de Kris Burm, auteurs des géniaux Gipf, Tamsk, Zertz, Dvonn et Yinsh. Pour mieux comprendre ce qui se cache derrière ces mécanismes enfantins, nous allons détailler les coups possibles :
- éjecter un pion "face colorée" visible de sa couleur : c’est le coup le plus classique, celui qui rapproche de la victoire. Le pion que vous éjectez sera réintroduit face point visible. Cependant, dès le début de partie (3 ou 4° coup), il faudra penser à l’avenir et choisir très soigneusement le pion que l’on éjectera.
- éjecter un pion "face point" visible de sa couleur : ne sert à rien dans l’optique directe de la victoire, mais permet de créer une nouvelle position plus avantageuse sur le plateau. Il faut savoir utiliser ces coups d’attente dès le milieu de partie pour espérer l’emporter.
- éjecter un pion "face colorée" visible de la couleur adverse : ce coup est très rarement utilisée car il rapproche l’adversaire de la victoire et vous oblige à réintroduire un pion de l’adversaire "face point" visible, ce qui diminue votre marge de manœuvre. Ce coup n’est donc utilisé que lorsqu’il permet de créer une situation ultra favorable sur la plateau, qui compensera l’avantage donné à l’adversaire.
- éjecter un pion "face point" visible de la couleur adverse : comme on l’a vu, ce coup est interdit. Et c’est cette interdiction qui donne tout son sel au jeu. En effet, les joueurs vont continuellement chercher à placer leurs pions retournés (ceux qui sont face point visible), sur le bord du plateau pour limiter la marge de manœuvre de l’adversaire.

Invers est donc un jeu aux règles extrêmement simples, mais avec une réelle profondeur stratégique. L’intérêt de ce jeu là face à d’autres jeux plus ambitieux comme Yinsh, c’est que les parties sont courtes et que les débutants voient tout de suite où il faut aller. La première partie laisse un goût bizarre : au début, on se dit que chacun des deux joueurs va éjecter l’un de ses pions à son tour et que le joueur qui a commencé la partie va logiquement gagner avec un coup d’avance. Et puis la fin de la partie arrive, et on se rend compte que l’on vient de se faire écraser : chacun des deux joueurs a encore 4 pions à éjecter, mais ceux de votre adversaire se trouvent sur le bord du plateau alors que les vôtres sont en plein milieu et qu’il vous faudra beaucoup de temps avant de les sortir pour les retourner. Et là, il n’y a qu’un seul mot qui vous vient à la bouche "Revanche". Sauf que dès cette deuxième partie, vous savez déjà un peu plus ou il faudra aller ainsi que les principaux écueils à éviter, ce qui est rarement le cas des jeux abstraits. Cette revanche est d’autant plus facile à prendre que les parties sont rapides.

Invers est donc un jeu passionnant, avec beaucoup de possibilités pour un jeu aussi simple et qui appelle beaucoup de parties et autres revanches. C’est le jeu auquel j’ai le plus joué durant ce premier semestre 2004, et la tendance ne semble pas vouloir s’inverser. De plus, même si la matériel est en plastique, il est très agréable à manipuler et les pions sont vraiment agréables au toucher (même si c’est difficile de s’en rendre compte sur une photo). Le plateau n’est pas très beau, mais comme il est constamment recouvert par les pions, ce n’est pas trop gênant.

Conseils tactiques et stratégiques

- Essayer le plus souvent possible d’éjecter vos propres pions, sans oublier que la fin de partie se construit dès le début.
- Au début donc, tenter de repousser et de laisser les pions adverses au centre du plateau tout en évitant de laisser trop de pions de votre couleur dans cette position.
- Tenter aussi de faire "rentrer" vos pions par un maximum de cases différentes pour bloquer un maximum de "sorties".
- Ne vous préoccupez pas trop tôt de vos pions dans les coins : votre adversaire ne peut pas les renvoyer vers le centre. Ne les éjecter que lorsque cela modifie de manière intéressante le plateau à votre avantage.
- En milieu de partie, ne laissez pas votre adversaire placer des pions "face point" visible dans les coins du plateau : cela vous empêcherez de créer des décalages sur les bords du plateau, ce qui est très pénalisant : vous devez contrôler au moins 2 coins pour espérer garder suffisamment de contrôle sur la partie.
- N’oubliez jamais de repousser votre adversaire vers le centre, même si cela ne vous apporte pas d’autres avantages sur le moment : pour cela vous devez contrôler les "entrées-sorties" sur lesquelles l’adversaire tente de se déplacer.

Public

Grâce à ses règles simples et à ses parties rapides, Invers pourra plaire à tous les inconditionnels de jeux abstraits. Il représente aussi un bon moyen de faire venir des joueurs récalcitrants vers ce type de jeu. Les plus mordus d’entre vous le trouveront peut être un peu trop léger.

Conclusion

Pour son premier jeu édité, Kris Burm a créé une petite perle, très intéressant et très riche derrière des règles toutes simples. D’accord, ce n’est pas le projet Gipf, mais il y a de bonnes idées dans tout ça et Invers a l’avantage d’être simple et de pouvoir séduire un public large. Il est dommage que le jeu ne soit pas mieux distribué, car il mérite vraiment d’être connu, au même titre que les autres jeux de l’auteur.

Si vous trouvez un exemplaire et que les jeux abstraits vous attirent au moins un petit peu, n’hésitez pas une seconde, vous ne le regretterez pas.